Saturday, November 18, 2023

 JO de Paris 2024 : Un tirailleur sénégalais porteur de la flamme olympique lors de son passage en Seine-Saint-Denis ?

SYMBOLE Il est un des derniers combattants africains enrôlés dans les rangs de l’armée française en 1953

L.Gam. Publié le 14/11/23 à 11h58

Oumar Diemé, entouré de Stéphane Troussel et Aïssata Seck, à Dakar au Sénégal, le 7 novembre 2023. — Département de la Seine-Saint-Denis

  • Le département de la Seine-Saint-Denis propose la candidature d’Oumar Diemé pour porter la flamme olympique lors du relais de Paris 2024.
  • Oumar Diemé, ancien tirailleur sénégalais, est considéré comme l’un des derniers combattants africains engagés volontaires dans l’armée française. Il a participé à la guerre d’Indochine et à la guerre d’Algérie, et a reçu plusieurs décorations en France et au Sénégal.
  • La candidature d’Oumar Diemé a été annoncée par Stéphane Troussel, président de la Seine-Saint-Denis, lors d’un déplacement officiel au Sénégal. Cette proposition vise à mettre en lumière des visages qui ont façonné la France d’aujourd’hui et à honorer la mémoire des combattants africains engagés dans l’armée française.

« Alors que le relais de la flamme olympique est une tradition incontournable des Jeux, le département de la Seine-Saint-Denis souhaite profiter de cette occasion unique pour mettre en lumière des visages qui font et qui ont fait la France d’aujourd’hui. Le choix d’Oumar Diemé, ancien tirailleur sénégalais, contribuerait ainsi à un travail de mémoire indispensable », a annoncé Stéphane Troussel, le président de la Seine-Saint-Denis.

« Il appartient à la "dernière génération" de combattants africains engagés volontaires ou enrôlés d’autorité dans les rangs de l’armée française. Son engagement lui a valu plusieurs décorations en France comme au Sénégal », précise le communiqué du département. Né en 1932, il est entré dans l’armée française en 1953 et a participé à la guerre d’Indochine puis à la guerre d’Algérie.

Une candidature qui réjouit Oumar Diemé

C’est lors d’un déplacement officiel au Sénégal, que Stéphane Troussel a annoncé avoir proposé la candidature d’Oumar Diemé à Paris 2024. Longtemps habitant de Bondy (Seine-Saint-Denis), le vieil homme de 92 ans, naturalisé en 2017, a reçu l’autorisation en 2023 de percevoir sa pension en vivant de façon permanente au Sénégal.

Aux côtés d’Aïssata Seck, présidente de l’association pour la mémoire et l’histoire des tirailleurs sénégalais et d’une délégation du département, le président de Seine-Saint-Denis a ajouté lors de son déplacement : « Ce travail permet de construire un avenir commun, universel, où chacun a sa place. »

Il a aussi ajouté qu’Oumar Diemé avait accepté avec plaisir que sa candidature soit portée par son département du 93, qui avait la possibilité en tant que membre du Bureau de Paris 2024 de proposer une vingtaine de noms pour participer à ce relais géant.

JO de Paris 2024 : Un tirailleur sénégalais porteur de la flamme olympique lors de son passage en Seine-Saint-Denis ? (20minutes.fr)

Sunday, November 12, 2023

 





Pour la video : Aboulaye N'Diaye, le dernier tirailleur sénégalais

HISTOIRE CONTEMPORAINE

Abdoulaye N'Diaye, dernier tirailleur sénégalais de la Première Guerre mondiale

Par 


Du Sahel à la bataille de la Somme, Abdoulaye N’Diaye fut un témoin indélébile de la guerre de 1914-1918. Avant de mourir, il y a 25 ans, il se remémorait ses souvenirs de combat.

“Un clairon retentit, et la voix d'un homme s'élève : ‘La guerre est finie ! La guerre est finie !” En 1998, Abdoulaye N'Diaye, le dernier tirailleur sénégalais de la Première Guerre mondiale, se souvenait du dénouement de la Grande Guerre. En 1914, à l'âge de 20 ans, Abdoulaye N'Diaye est arraché à son village du Sahel pour être enrôlé de force dans les troupes coloniales françaises. Embarqué vers la Belgique, il participera à des batailles emblématiques, dont celle des Dardanelles en 1915, dans l’actuelle Turquie, avant de revenir sur la bataille de la Somme.

"Les Français avaient fait sauter un pont. Pendant trois jours, on a rampé, on s’est battu. À ce moment-là, il faisait encore chaud", se souvient-il. Mais Abdoulaye N’Diaye et les 160 000 autres tirailleurs ne tardent pas à découvrir l'hiver dans la boue de la Somme. Plus de 400 000 soldats périssent dans les deux camps, et 600 000 autres sont blessés. Lui-même est touché par deux balles à la tête, des blessures qui le marquent à jamais. "Des Allemands, moi, j’en ai tué deux. Et les deux que j’ai tués, c’était de leur faute. L’un était dans un trou, c’est un copain qui l’a vu. Alors j’ai pris une grenade, et toc, je l’ai balancée dans le trou. Et l’Allemand a sauté", raconte-t-il.

Retour sans pension de guerre

Abdoulaye N'Diaye achève son périple à Verdun en 1918. "Un jour, on devait remonter au front, tout à coup un clairon sonne et quelqu’un crie : ‘la guerre est finie !’ Les officiers étaient contents, ils s’embrassaient, ils disaient : ‘ça, c’est bien !’ Trois jours après, on nous a renvoyés chez nous, on nous a embarqués sur un bateau. Et c’était fini." Le soldat rentre dans son village, à 200 km de Dakar, sans pension de guerre. Ce n'est que 30 ans plus tard qu’il découvre qu’il y aura droit, après le retour des tirailleurs de la Seconde Guerre mondiale. Le souvenir, lui, ne le quitte jamais : "La guerre, j’y repense encore, tous les jours. La nuit, souvent, je rêve que je suis en train de me battre".

Légion d’honneur posthume

Dernier tirailleur en vie en 1998, Abdoulaye N'Diaye meurt la veille du 11 novembre, le jour où il devait recevoir la Légion d'honneur, que lui avait attribuée le président Chirac. La médaille sera déposée sur sa tombe par l'ambassadeur de France. Le fils d'Abdoulaye N'Diaye, perpétuant la mémoire de son père, réussira à obtenir de la France la construction d'une piste pour désenclaver le village.

Saturday, November 11, 2023

 




Essai - « Races guerrières » : histoire inédite d’un mythe colonial

Stéphanie Soubrier revient en détails sur la vie de ces innombrables combattants africains enrôlés dans l’armée française sur le fondement de théories racistes et fallacieuses. Un travail important basé sur de nombreux fonds d’archives.

Entraînement de tirailleurs sénégalais au Maroc, vers 1910-1914. (Albert Harlingue/Roger-Viollet)

par Sylvain Venayre      publié le 12 octobre 2023 à 4h39

Remontons un peu le temps. En 2022, Omar Sy campait dans Tirailleurs le personnage d’un Sénégalais, Bakary Diallo, enrôlé de force dans l’armée française avec son fils, à la fin de la Première Guerre mondiale. En 2006, Sami Bouajila, Jamel Debbouze, Samy Naceri et Roschdy Zem incarnaient dans Indigènes trois tirailleurs algériens et un goumier marocain combattant pour la libération de la France occupée à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Ces deux films participaient de la redécouverte d’une histoire plus longue, récemment racontée par Anthony Guyon dans le cas de l’ancienne Afrique occidentale française (les Tirailleurs sénégalais, Perrin, 2022) : celle de ces Africains incorporés dans l’armée française à l’époque de l’empire colonial. Au public, qui leur a fait bon accueil, ils faisaient notamment ressentir cette réalité dont personne ne doute : le racisme, qui structurait, aux XIXe et XXe siècles, les conditions de l’enrôlement des soldats par les autorités françaises, depuis Alger jusqu’à Dakar.

D’ailleurs, il suffisait d’ouvrir la Force noire, ce livre que le lieutenant-colonel Mangin a publié en 1910. Mangin avait participé à la fameuse mission Marchand, qui avait dû reculer face au corps expéditionnaire britannique du général Kitchener, en 1898, non loin du petit fort de Fachoda, sur le Nil blanc. Mangin, un vétéran des campagnes militaires en Afrique. De son expérience, il avait tiré la conviction que les Africains pouvaient fournir à l’armée française un appui décisif.

Légitime indignation

Certaines « races », à l’en croire, produisaient de remarquables combattants. « Bambaras » de l’Afrique de l’Ouest, « Saras » de l’Afrique de l’Est constituaient, disait-il, des « races guerrières ». Leur résistance ne leur permettait-elle pas de supporter des climats très durs et de porter de lourdes charges ? Le moindre développement de leur système nerveux ne les rendait-il pas moins sensibles à la douleur ? Leur appartenance à des sociétés patriarcales ne leur aurait-elle pas inculqué très tôt le sens de la discipline et de la hiérarchie ? La guerre, endémique en Afrique, ne leur aurait-elle pas enseigné très tôt l’habitude du combat ?

Bref : c’était entendu, il existait un continuum entre ces conceptions racistes de la fin du XIXe siècle, résumées par Mangin dans son livre, et l’utilisation que l’armée française avait faite des soldats africains au XXe siècle (et aussi la légitime indignation que ce passé suscite au début du XXIe siècle).

Cette histoire avait déjà engendré un certain nombre de débats chez les historiens. À Marc Michel, qui montrait que, contrairement aux représentations de la « chair à canon », les pertes des soldats africains pendant la Première Guerre mondiale n’avaient pas été supérieures à celle des soldats français, Joe Lunn objectait que les calculs changeaient si l’on ne prenait pas seulement en considération l’origine africaine des combattants mais justement leur appartenance à de supposées « races guerrières » (que l’état-major français envoyait davantage au casse-pipe). Mais cette notion, empruntée aux théoriciens de la fin du XIXe siècle, demeurait peu analysée.

Étrange système militaire

Dans un livre magistral, fondé sur une enquête effectuée dans de nombreux fonds d’archives, Stéphanie Soubrier en propose pour la première fois l’histoire, dans le cas français. Plutôt que de partir des théories synthétisées par Mangin, l’historienne s’est efforcée de continuer à remonter le temps, afin de comprendre comment s’était constituée cette catégorie de « races guerrières » et ce qu’elle recouvrait exactement.

C’est ainsi que se sont imposées, en amont de l’étude, les années 1850 : celles de l’essor de l’anthropologie en France, celles de la constitution des premiers bataillons de « tirailleurs sénégalais » à Dakar – celles, aussi, de la formidable mutinerie des cipayes indiens, qui eut pour conséquence l’avènement, en Grande-Bretagne, de la notion de « martial races ».

C’est ainsi que s’est imposé l’ensemble de l’empire français : non seulement l’Afrique, mais aussi l’Indochine, où le colonel Pennequin, récemment étudié par Jean-François Klein (Pennequin, le « Sorcier de la Pacification », Maisonneuve & Larose, 2021), imaginait un projet d’« armée jaune », très différent de la « force noire » en ce que son promoteur voyait dans cette armée indochinoise le premier moyen du « self-government » des possessions françaises en Asie.

C’est ainsi que se sont imposés les tirailleurs eux-mêmes, à qui l’autrice s’efforce de donner la parole. Des Africains ont parfois participé à l’élaboration de la notion de « races guerrières », dans le cadre de ce que l’historienne appelle une « coconstruction ». L’expérience des recrues était plus originale qu’on ne l’imagine parfois. À ce sujet, l’historienne montre toute l’importance que pouvaient avoir, dans cet étrange système militaire, les femmes des tirailleurs. Les officiers coloniaux y étaient très attentifs. C’était souvent elles qui prenaient soin de leurs maris et les encourageaient à demeurer dans l’armée (comme l’écrivait un officier français en 1911, « ce qu’il y a de précieux chez le tirailleur, c’est sa femme »). En l’occurrence, Stéphanie Soubrier rappelle que l’histoire militaire, c’est aussi une histoire des femmes.

Surtout, dit-elle, les théories de Mangin sont demeurées minoritaires à la veille de la Première Guerre mondiale, non seulement parmi les officiers supérieurs français en métropole, mais également parmi les soldats, les médecins et les savants français en Afrique, qui pouvaient en mesurer toute l’inanité. Leurs rapports étaient unanimes : une « race guerrière », c’est d’abord, indépendamment de toute considération anthropologique, une race loyale. Les bons tirailleurs sont ceux qui obéissent. En 1914, on enrôlera tout autant les « races non guerrières » que les « races guerrières » : le cas de Madagascar, bien étudié dans le livre, est à cet égard très éclairant.

On dit parfois que l’historiographie française a encore du mal avec la notion de race. Récemment disparu, l’historien américain Tyler Stovall écrivait que « proposer une étude de l’histoire de l’idée de race en France » revenait à « se promener dans un champ de mines ». Avec Races guerrières, Stéphanie Soubrier s’impose comme notre démineuse en chef.

Stéphanie Soubrier, Races guerrières. Enquête sur une catégorie impériale, 1850-1918, CNRS Éditions, 443 pp. 26€ (ebook : 18,99 €).

« Races guerrières » : histoire inédite d’un mythe colonial – Libération (liberation.fr)


 

Documentaire

Emilien Abibou 

« Antoine, en passant par Thiaroye »

 

Lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois 2023, Emilien Abibou a obtenu une mention pour le Prix du Projet Documentaire Historique avec son documentaire « Antoine, en passant par Thiaroye ». Il s’est ainsi vu récompenser par une formation à l’Ina. Son film revient sur une partie de l’histoire de France souvent méconnue du grand public du fait du long silence de l’État français autour de cette répression. En effet, Antoine Abibou est l’un des rescapés du massacre de Thiaroye du 1er décembre 1944 durant lequel plusieurs centaines de soldats africains issus des colonies françaises et ayant combattu pour la France au cours de la Seconde Guerre mondiale ont été tués sur ordre des autorités françaises. Le discours officiel français raconte que ces soldats furent tués à la suite d’une « mutinerie » et le rescapé Antoine Abibou fut érigé en chef de la rébellion et jugé responsable. Ce film revient sur un « mensonge d’État ». Bien que François Hollande ait reconnu les faits en 2014, 70 ans après le massacre, le travail mémorial au sujet de ce massacre est à peine entamé.