Sunday, December 18, 2022
Thursday, December 01, 2022
À propos des noms de tirailleurs sénégalais inhumés au Tata de Chasselay.
En janvier 2021, nous signalions dans ce blog la cérémonie qui avait eu lieu au Tata de Chasselay (Rhône) au cours de laquelle la ministre déléguée à la mémoire et aux anciens combattants, Geneviève Darrieussecq, avait dévoilé deux plaques portant les noms de 25 tirailleurs sénégalais.
Etonnés par l’annonce officielle de « recherches génétiques » à l’origine de ces identifications, nous avions contacté l’historien Julien Fargettas, également directeur de l’ONAC de la Haute-Loire., qui avait démenti l’utilisation de « recherches génétiques » (voir notre billet du 5 mars 2022).
En ce mois de novembre 2022, un nouveau démenti est intervenu, émanant du ministère des Armées. Il fait suite aux nombreuses démarches entreprises depuis janvier par l’historienne Armelle Mabon. Deux articles parus ces derniers jours dans la presse en ligne présentent le démenti des autorités : l’un dans le journal Médiapart (article de Julie Brabant le 9 novembre 2022), et l’autre dans Lyon-Capitale (article de Julien Barletta le 11 novembre 2022). Il n’y a donc pas eu de « recherches génétiques ».
À ce jour deux points restent obscurs. Tout d’abord, comment une telle information erronée a-t-elle pu être faite par l’autorité ministérielle en janvier 2022 et maintenue si longtemps ? Ensuite, quelles furent exactement les recherches dans les archives qui ont permis, en l’occurrence à l’historien julien Fargettas, d’identifier ces 25 noms de tirailleurs sénégalais ?
L’enjeu dans cette affaire est celui de la transparence et de la rigueur dans les recherches historiques ainsi que dans la politique mémorielle.
Françoise Croset
Liens des pages web citées :
Tirailleurs Sénégalais : "Le ministère des armées a inventé des recherches génétiques"
Article paru sur Mediapart :
Tirailleurs
sénégalais : le ministère des armées a inventé des « recherches
génétiques » | Mediapart
par Christophe LABAYS
26 novembre 2022
À l’occasion des dernières journées du patrimoine, j’ai
entrepris des recherches sur la Bataille du Moulin des Moines qui s’est
déroulée à Châtenois, dans les Vosges, en juin 1940, et a engagé des soldats
africains du 12ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais (12ème RTS), dont
quarante d’entre eux y ont trouvé la mort. Au cours de mes recherches, des
faits, des hommes, de tragiques destins puis des visages, des noms et des
prénoms sont apparus. C’est toujours un moment d’émotion que de pouvoir mettre
des noms sur des sépultures d’hommes ayant combattu chez nous, pour nous à
Châtenois. Ces noms nous permettent parfois de retrouver des familles, parfois
même de les rencontrer. C’est une belle récompense. Chaque histoire est
différente et parfois certaines sont plus tristes que d’autres.
Composition de la 1ère DIC
La 1ère DIC (Division d’Infanterie Coloniale) était composée
du 3ème RIC (Régiment d’Infanterie Coloniale) et des 12ème et 14ème RTS. S’y
joignaient suivant les opérations, le 2ème RSM (Régiment de Spahis Marocains)
et le 1er RAC (Régiment d’Artillerie Coloniale).
![]() |
Tirailleurs sénégalais (Crédits photo : Fabrice Dufaud) |
Le Moulin des Moines à Châtenois
Intercepté à Beaufremont, le 12ème RTS se battit toute la
journée du 19 juin à Châtenois. Il s’agit de la dernière action importante de
tout l’Est de la France. Les Sénégalais se défendirent maison par maison dans
la rue principale. Plusieurs habitations furent incendiées par l’ennemi. Les
Allemands menacèrent de raser Chatenois. Grâce à l’intervention de l’Abbé
Xavier Audisio, curé de la paroisse, la commune fût épargnée. Le dernier combat
se déroula au lieu-dit du « Moulin aux Moines », près de Chatenois. Sous le feu
de l’artillerie allemande pendant toute la journée, celui-ci fut incendié.
Les Allemands perdirent près de 350 hommes. Quarante soldats
du 12ème RTS furent quant à eux tués.
Fin des combats
À bout de forces et de munitions, les troupes coloniales
rejoignirent Sion, Varangéville et se battirent jusqu’au 24 juin 1940. Elles
arrêtèrent le combat, épuisées, sans munitions, mourant de soif par ces
journées torrides. À Oëville, elles réclamèrent à boire à la population. Dans
la nuit du 20 au 21 juin, les Allemands se lancèrent à la poursuite des
éléments de la 1ère DIC qui se retirait en direction de Vittel-Mirecourt via la
Vallée du Vair sans pour autant s’arrêter de combattre. Quelques éléments
arrivèrent à passer à Aulnois et érigèrent des défenses à Frenelle-la-Grande.
Le 3ème RIC était à Bouzonville et à Boulaincourt. Mais la population les
convainquit de jeter leurs armes. Le drapeau enterré dans un bois fut retrouvé
après la guerre. Le cessez-le feu général fut proclamé lieu le 26 juin 1940.
Que sont devenus les soldats africains ?
Au total, 15 000 soldats de toutes les unités furent faits
prisonniers. Certains furent parqués comme du bétail par les Allemands à
l’entrée de Chatenois, à l’emplacement de l’actuel magasin Super U. Un camp
d’internement les regroupa à Neufchâteau. Mais avant d’être arrêtés, nombre
d’entre eux furent abattus comme des chiens, tel Kampti à Nijon. Un autre
Sénégalais, arrêté à La Neuveville, fut roué de coups, embarqué en side-car et
promené dans les rues, puis abattu à la mitraillette vers Chatenois, près du
pont sur le Bougnié.
Filières d’évasion
Certains Sénégalais réussirent à se cacher dans les bois,
d’autres à s’évader des camps d’internement pour rejoindre nos forêts. La
population les aida et les ravitailla avant l’hiver jusqu’en octobre-novembre
1940. De petits groupes vivaient ainsi à Auzainvilliers, dans le Bois du
Guichamp, à La Neuveville, dans le Bois du Grand Maix, ou encore à Sandaucourt,
dans la Forêt du Morot. Avec les débuts de la Résistance, des filières
s’organisèrent, si bien que plusieurs de ces soldats furent convoyés vers la
Suisse ou vers la « Zone Libre ».
Source :
Les
troupes coloniales au Sud de Neufchâteau en juin 1940, combats méconnus et
destins tragiques,
par Julien Duvaux, attaché de conservation du patrimoine.
Remerciements :
Etienne
Guillermond pour ses recherches sur les tirailleurs sénégalais et l’histoire
d’Addi Ba.
Charles
Maillard de La Neuveville-sous-Chatenois.