Thursday, December 01, 2022


Carte postale ancienne du Moulin des Moines à Châtenois

Bataille du Moulin des Moines à Châtenois en 1940

par Christophe LABAYS

26 novembre 2022

À l’occasion des dernières journées du patrimoine, j’ai entrepris des recherches sur la Bataille du Moulin des Moines qui s’est déroulée à Châtenois, dans les Vosges, en juin 1940, et a engagé des soldats africains du 12ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais (12ème RTS), dont quarante d’entre eux y ont trouvé la mort. Au cours de mes recherches, des faits, des hommes, de tragiques destins puis des visages, des noms et des prénoms sont apparus. C’est toujours un moment d’émotion que de pouvoir mettre des noms sur des sépultures d’hommes ayant combattu chez nous, pour nous à Châtenois. Ces noms nous permettent parfois de retrouver des familles, parfois même de les rencontrer. C’est une belle récompense. Chaque histoire est différente et parfois certaines sont plus tristes que d’autres.

Composition de la 1ère DIC

La 1ère DIC (Division d’Infanterie Coloniale) était composée du 3ème RIC (Régiment d’Infanterie Coloniale) et des 12ème et 14ème RTS. S’y joignaient suivant les opérations, le 2ème RSM (Régiment de Spahis Marocains) et le 1er RAC (Régiment d’Artillerie Coloniale).

Tirailleurs sénégalais (Crédits photo : Fabrice Dufaud)

Le Moulin des Moines à Châtenois

Intercepté à Beaufremont, le 12ème RTS se battit toute la journée du 19 juin à Châtenois. Il s’agit de la dernière action importante de tout l’Est de la France. Les Sénégalais se défendirent maison par maison dans la rue principale. Plusieurs habitations furent incendiées par l’ennemi. Les Allemands menacèrent de raser Chatenois. Grâce à l’intervention de l’Abbé Xavier Audisio, curé de la paroisse, la commune fût épargnée. Le dernier combat se déroula au lieu-dit du « Moulin aux Moines », près de Chatenois. Sous le feu de l’artillerie allemande pendant toute la journée, celui-ci fut incendié.

Les Allemands perdirent près de 350 hommes. Quarante soldats du 12ème RTS furent quant à eux tués.

Fin des combats

À bout de forces et de munitions, les troupes coloniales rejoignirent Sion, Varangéville et se battirent jusqu’au 24 juin 1940. Elles arrêtèrent le combat, épuisées, sans munitions, mourant de soif par ces journées torrides. À Oëville, elles réclamèrent à boire à la population. Dans la nuit du 20 au 21 juin, les Allemands se lancèrent à la poursuite des éléments de la 1ère DIC qui se retirait en direction de Vittel-Mirecourt via la Vallée du Vair sans pour autant s’arrêter de combattre. Quelques éléments arrivèrent à passer à Aulnois et érigèrent des défenses à Frenelle-la-Grande. Le 3ème RIC était à Bouzonville et à Boulaincourt. Mais la population les convainquit de jeter leurs armes. Le drapeau enterré dans un bois fut retrouvé après la guerre. Le cessez-le feu général fut proclamé lieu le 26 juin 1940.

Que sont devenus les soldats africains ?

Au total, 15 000 soldats de toutes les unités furent faits prisonniers. Certains furent parqués comme du bétail par les Allemands à l’entrée de Chatenois, à l’emplacement de l’actuel magasin Super U. Un camp d’internement les regroupa à Neufchâteau. Mais avant d’être arrêtés, nombre d’entre eux furent abattus comme des chiens, tel Kampti à Nijon. Un autre Sénégalais, arrêté à La Neuveville, fut roué de coups, embarqué en side-car et promené dans les rues, puis abattu à la mitraillette vers Chatenois, près du pont sur le Bougnié.

Filières d’évasion

Certains Sénégalais réussirent à se cacher dans les bois, d’autres à s’évader des camps d’internement pour rejoindre nos forêts. La population les aida et les ravitailla avant l’hiver jusqu’en octobre-novembre 1940. De petits groupes vivaient ainsi à Auzainvilliers, dans le Bois du Guichamp, à La Neuveville, dans le Bois du Grand Maix, ou encore à Sandaucourt, dans la Forêt du Morot. Avec les débuts de la Résistance, des filières s’organisèrent, si bien que plusieurs de ces soldats furent convoyés vers la Suisse ou vers la « Zone Libre ».

Source :

Les troupes coloniales au Sud de Neufchâteau en juin 1940, combats méconnus et destins tragiques, par Julien Duvaux, attaché de conservation du patrimoine.

Remerciements :

Etienne Guillermond pour ses recherches sur les tirailleurs sénégalais et l’histoire d’Addi Ba.

Charles Maillard de La Neuveville-sous-Chatenois.

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