Monday, October 14, 2024

DISPARITIONS

Mort d’Amadou Mahtar Mbow, ancien directeur général de l’Unesco

Premier Africain à la tête de l’agence onusienne chargée de l’enseignement et de la culture, l’intellectuel sénégalais est mort le 24 septembre à Dakar. Il avait 103 ans.

Par Pierre Lepidi
Publié le 24 septembre 2024 à 16h58, modifié le 24 septembre 2024 à 19h47 

Amadou Mahtar Mbow, directeur général de l’Unesco, lors d’une réunion à Paris, le 20 octobre 1987. GEORGES MERILLON / GAMMA-RAPHO VIA GETTY IMAGES

Par son érudition et sa traversée d’un siècle, Amadou Mahtar Mbow était l’une des bibliothèques vivantes les plus riches d’Afrique de l’Ouest. Il est mort, mardi 24 septembre, à Dakar, là où il était né cent trois ans plus tôt. Ardent défenseur des libertés, Amadou Mahtar Mbow a eu mille vies qui ont notamment fait de lui le premier Africain directeur général de l’Unesco.

Né en mars 1921, Amadou Mahtar Mbow grandit à Louga, dans le nord-ouest du Sénégal. A la fin des années 1920, la région est frappée par la famine. Le gamin voit des gens mourir et ces images le marqueront à vie. « Il faut avoir vécu cela pour en comprendre l’angoisse », disait-il. La seconde guerre mondiale éclate, il a 18 ans.

Amadou Mahtar Mbow s’engage en tant que volontaire dans l’armée de l’air et intègre l’Ecole des radiotélégraphistes de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Dans la ville encerclée, il parvient régulièrement à franchir la ligne de démarcation. Il est démobilisé en 1940 et retourne au Sénégal, où il travaille au service économique de la circonscription de Dakar et dépendances. La guerre devient mondiale et, en janvier 1943, Amadou Mahtar Mbow est rappelé sous les drapeaux puis affecté à la base aérienne de Thiès, près de Dakar. De là, il réussit le concours d’entrée à l’Ecole supérieure de tir aérien d’Agadir qui lui permet de servir, jusqu’en octobre 1945, au Maroc puis en France.

Désaccords avec Senghor

Grâce notamment à ses tirailleurs, à ses goumiers et à ses spahis lors du débarquement de Provence, auquel Amadou Mahtar Mbow participe, la France est libérée. Le jeune homme décide de rester dans un Paris bouillonnant où les désirs d’indépendance se renforcent chez les étudiants africains. « Un jour, la gendarmerie est venue me signifier que je devais rentrer au Sénégal pour être démobilisé, déclarait-il dans Amadou Mahtar Mbow. Une vie, des combats (éd. Vives Voix, 2019). Je leur ai répondu : pour faire la guerre, je suis français et pour étudier, je ne le suis plus. Allez-vous faire voir ! » Il passe son baccalauréat et entre à la Sorbonne, où il s’inscrit en histoire et géographie.

Dans l’effervescence intellectuelle du Quartier latin, Amadou Mahtar Mbow s’engage dans le syndicalisme étudiant et milite pour une indépendance immédiate des colonies. Il rentre au Sénégal pour mener la lutte, s’intéresse à l’éducation, matière essentielle selon lui pour former les élites de demain. Il va consacrer quinze années de sa vie à l’enseignement.

En parallèle, il fait de la politique. Le 20 août 1960, lorsque le Sénégal proclame son indépendance, Léopold Sedar Senghor devient président de la République. Après un temps dans l’opposition, Amadou Mahtar M’bow est nommé ministre de l’éducation nationale (1966-1968), puis de la culture et de la jeunesse (1968-1970) et enfin député.

Au cours de cette période, il se heurte à Léopold Sédar Senghor, car il déplore notamment l’existence d’accords franco-sénégalais qui confèrent encore à la France une tutelle sur l’université de Dakar. « Le recteur est alors nommé par la France, rappelle le journaliste Hamidou Anne, auteur d’Amadou Mahtar Mbow. Une vie, des combats. L’ancienne puissance coloniale pouvait ainsi interférer dans le fonctionnement de l’enseignement supérieur. Contrairement à Senghor, M’bow voulait que l’université de Dakar soit une université africaine. »

Deux mandats

Le 15 novembre 1974, Amadou Mahtar Mbow est élu à l’unanimité directeur général de l’Unesco. Il devient la septième personnalité à accéder à ce poste prestigieux, le premier Noir à diriger une organisation onusienne. Il veut alors œuvrer pour un monde « plus fraternel » et s’atteler à la sauvegarde du patrimoine et évidemment de l’éducation. Sous son impulsion, les pays du Sud demandent un « rééquilibrage » des rapports dans le domaine de l’information, déplorant notamment que les grandes agences de presse soient aux mains des grandes puissances. En 1977, Amadou Mahtar Mbow crée une Commission internationale qu’il confie à l’Irlandais Sean MacBride, fondateur d’Amnesty International et Prix Nobel de la paix (1974), et dans laquelle on retrouve aussi Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde.

En 1980, Amadou Mahtar M’bow est réélu, dans un climat alourdi par la guerre froide et les tensions entre pays du Nord et pays du Sud. Avec fracas, les Etats-Unis, plus grands contributeurs de l’Unesco, décident de se retirer de l’institution onusienne, qui se voit alors amputée de 25 % de son budget. « Amadou Mahtar Mbow va très intelligemment réorganiser l’organisation et faire en sorte qu’aucun salarié ne soit licencié, se souvient Georges Kutukdjian, ancien responsable de l’éducation aux droits de l’homme et à la paix (1982-1991). C’était un homme intègre, méticuleux et juste. » Mais les tensions avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni vont lui coûter sa réélection pour un troisième mandat.

Retiré au Maroc, il revient dans le jeu politique au Sénégal. Entre 2008 et 2009, Amadou Mahtar Mbow préside les assises nationales, une vaste coalition qui s’oppose à la réélection d’Abdoulaye Wade en 2012. A Dakar, où une université porte son nom, de nombreux visiteurs lui rendaient encore visite à la fin de sa vie. Il y avait des politiciens, des instituteurs, des enseignants… Ils venaient demander au « vieux » un conseil ou obtenir son appui. Amadou Mahtar Mbow vivait au milieu des livres de son immense bibliothèque.

Read more »

Le testament de Charles

Christian Éboulé

Dans son roman Le Testament de Charles, paru aux Éditions Les Lettres Mouchetées, le 14 septembre 2024, Christian Éboulé, journaliste à TV5 Monde, plonge dans l’histoire de Charles N’Tchoréré, un soldat originaire d’Afrique subsaharienne marqué par les guerres et la colonisation. Le roman s’articule autour de quatre grands axes inspirés par la figure historique du capitaine Charles N’Tchoréré, dont le portrait est disponible dans la série Frères d’Armes. Engagé dès 1916 dans un régiment de tirailleurs, il est fait prisonnier par les Allemands en 1940 qui, malgré sa demande à être traité comme un officier et non pas comme un homme de troupe conformément aux conventions de Genève, l’abattent le 7 juin 1940. Ce roman invite à une réflexion sur la mémoire, l’existence et la dignité humaine. En tribune cette semaine pour le Groupe de recherche Achac, Christian Éboulé livre les grands axes de cet ouvrage.

Inspiré par la vie de Charles N’Tchoréré, Christian Éboulé restitue alors sous la forme d’une vaste saga-testament l’itinéraire d’un soldat originaire d’Afrique subsaharienne, un grand témoin du siècle, jusqu’à son ultime prise de liberté et son salut. Un roman essentiel sur l’existence, la place de l’individu dans l’Histoire, la mémoire et la dignité.

Un fil va se rompre, celui de Charles. Il a quitté son Afrique natale sous les bercements d’une musique coloniale annonçant à coups de trompette une civilisation étincelante. Il a bataillé à l’école pour acquérir, sous le fouet, une éducation dispensée par de rudes pères spiritains. Pour eux, le chemin qu’ils ouvraient le sortirait de la brousse des fantômes et de la nuit des légendes. Mais son grand-père, le vieil Okili, tentera de retenir le jeune homme près des oracles et à proximité du puits des rites où un monde naguère paisible se voilait soudain de nuages. Charles choisit l’uniforme, espérant, au service de la France, accomplir le parcours qui établit les réputations et les honneurs... Après avoir combattu au Gabon, au Maroc et en Syrie pour la gloire de la « Mère Patrie », il est encerclé puis prisonnier durant la Seconde Guerre mondiale à Airaines, où la Wehrmacht triomphante se fourvoie et torture. Un soldat blond s’acharne sur lui. 

Au bord du précipice, Charles revoit sa vie et, en un vertigineux sursaut, il va alors comprendre au fil du récit ce qui lui avait toujours échappé. En une ultime seconde, en emportant le lecteur dans le flot de ses souvenirs, le voici qui se réapproprie sa propre histoire et le sens d’une vie déracinée, dont le tourbillon et le chaos de l’Histoire, des guerres et de la colonisation l’avaient privé. Dans un grand souffle spirituel et romanesque qui prend la forme d’un apprentissage à rebours, Le Testament de Charles nous propose une expérience littéraire qui échappe à l’éclat des armes, aux bombardements, au vacarme et à la violence de l’Histoire. 

Le parcours d'un grand témoin du siècle, marqué par la mort, la vie et la prise de conscience, est au cœur d'un roman essentiel qui aborde des thèmes universels. L'expérience spirituelle de l'histoire et de la mémoire, qui traverse ce récit, permet une réflexion profonde sur l'existence et la dignité humaine. Le protagoniste, confronté à des épreuves qui mettent en jeu sa propre survie, se trouve confronté à des questions essentielles qui touchent chacun d'entre nous. Au fil des pages, le lecteur est invité à explorer les méandres de la conscience humaine, à découvrir les secrets de la mémoire, à questionner les fondements de l'existence, dans un voyage littéraire intense et émotionnel.

En savoir plus

La série Frères d’Armes


Tribune NL #563 | Groupe de recherche Achac

  France Bleu

De Isabelle Baudriller    Jeudi 26 septembre 2024 à 19:46
Par France Bleu Sud Lorraine

Vosges : une plainte contre X déposée après des tirs sur la photo du résistant guinéen Addi Bâ

La photo du résistant guinéen Mamadou Addi Bâ a été visée par six tirs sur un panneau commémoratif dans la forêt de La Vacheresse-et-la-Rouillie dans les Vosges. Une plainte contre X a été déposée mercredi 25 septembre pour cet acte qui remonterait à plusieurs mois.

Le panneau commémoratif se trouve dans la forêt de La Vacheresse-et-la-Rouillie

Un panneau à la mémoire d'un résistant guinéen, visée par des tirs dans la plaine des Vosges. Une plainte contre X a été déposée ce mercredi 25 septembre auprès du procureur de la République d'Epinal, notamment pour "incitation à la haine raciale" et "apologie de crime de guerre", par François-Xavier Wein, porte-parole de LFI dans les Vosges, soutenu par les militants Insoumis du secteur.

Ce panneau, installé depuis 2014 dans la forêt de La Vacheresse-et-la-Rouillie, raconte l'histoire du maquis de la Délivrance où se sont réfugiés les réfractaires du STO, le Service du travail obligatoire, pendant la Seconde Guerre mondiale. On y trouve plusieurs photos dont celle de Mamadou Addi Bâ, soldat guinéen engagé chez les Tirailleurs sénégalais en 1939, devenu résistant dans ce maquis en 1942. Torturé et fusillé par les Allemands le 18 décembre 1943, à l'âge de 27 ans.

La photo de Mamadou Addi Bâ, visée par six tirs

La photo d'Addi Bâ - et elle seule - est criblée de six balles. "Il n'y a aucun doute, c'est une personne qui a été visée parce que noire très concrètement", estime François-Xavier Wein. "Ça devient une banalisation d'agissements racistes, xénophobes qu'on ne peut pas passer sous silence. Nous pensons que d'autres personnes savaient bien avant nous et que rien n'a été fait. Ça ne peut pas être laissé sans suites. Le silence est très grave et notre action en tant que simples citoyens passe forcément par le dépôt d'une plainte."

A quand remontent ces tirs ? A plusieurs mois selon François-Xavier Wein qui a été informé vendredi 20 septembre. Plusieurs mois aussi selon le journaliste Etienne Guillermond dont la famille a accueilli Addi Bâ dans le village de Tollaincourt en 1941. Lui qui travaille depuis 20 ans sur l'histoire du résistant guinéen et a écrit en 2013 le livre "Addi Bâ, résistant des Vosges" dénonce un acte "grave et choquant" mais s'insurge contre le dépôt de plainte.

"Action inutile et contre-productive"

"Qui sont les plus imbéciles, ceux qui commettent des actes stupides ou ceux qui leur font de la pub en espérant être plus malins qu'eux ?" interroge Etienne Guillermond. "Pour moi, on ne répond à l'imbécilité que par le silence. Je considère qu'à partir d'un acte imbécile, on est en train d'assister à la fabrication d'un fait divers. Je trouve que cette action est inutile et contre-productive."

Le 18 décembre dernier, 80 ans jour pour jour après l'exécution d'Addi Bâ, la ville d'Epinal a inauguré une esplanade à son nom, rue de la Chipotte. "Les tirs, déjà vous me les apprenez", indique le maire Patrick Nardin, "comment voulez-vous que je réagisse ? C'est l'œuvre ou d'un fou ou d'une personne radicalisée. C'est un soldat venu d'Afrique en France comme des milliers d'autres. Beaucoup sont morts, Addi Bâ fait partie de ceux qui ont laissé leur vie pour que nous soyons libres aujourd'hui. Bien sûr un tel acte me révolte."

Les Insoumis de la 4e circonscription des Vosges indiquent qu'ils appelleront "prochainement à un rassemblement antiraciste en hommage à Addi Bâ".

Vosges : une plainte contre X déposée après des tirs sur la photo du résistant guinéen Addi Bâ - France Bleu

 

Des noms et des visages sur les héros de la Libération : retour sur l'exposition « Visages de la Libération » à la médiathèque Salim-Hatubou, dans le 15e arrondissement de Marseille.

Par Françoise Croset

Monday, September 16, 2024

Des noms et des visages sur les héros de la Libération

Le vernissage de « Visages de la Libération » avait lieu ce week-end à la médiathèque Salim-Hatubou, dans le 15e arrondissement. L’exposition reste visible jusqu’au 27 septembre.

Christophe Casanova / Marseille / 16/09/2024 | 15h38

Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture de ville, et Nadia Boulainseur, la maire de secteur, étaient présents pour le vernissage. PHOTO SIRINE DESIRE

Le choix de la médiathèque Salim-Hatubou s’est imposé comme une évidence. « C’est la plus belle de Marseille et surtout, en tant qu’historien nous nous sommes dit qu’il était bien de raconter l’histoire de la Libération de la ville et de ses quartiers qui a duré du 23 au 28 août, au plus près de ce point stratégique qu’était le port de Marseille », glisse Grégoire Georges-Picot. « Il était un enjeu majeur contrairement à Notre-Dame de la Garde qui était plus un symbole. Et la clé de voûte du système se trouvait à 150 mètres de la médiathèque, sur le Plan d’Aou. »

« Soldats de la plus grande France » projeté samedi

Samedi après-midi a eu lieu en présence de Jean-Marc Coppola, adjoint (PCF) à la culture de la ville de Marseille, et Nadia Boulainseur, maire (DVG) du secteur l’inauguration de l’exposition « Visages de la Libération », organisée par le groupe Marat, association dont l’historien est membre.

« On a souhaité faire ce vernissage un jour où la médiathèque est la plus fréquentée par les habitants du quartier, il y a eu un appel d’air qui a fait que plein de gens ont découvert l’expo. »

L’exposition (La Marseillaise du 29 août 2024) met en lumière la mémoire des 556 noms affichés sur une immense toile, des anonymes, soldats kanaks, africains, maghrébins, résistants, tombés pour la libération de Marseille du 16 au 28 août 1944. Un travail de recherche dont le point de départ est les vers de Léopold Sédar Senghor dans son poème Aux tirailleurs sénégalais morts pour la France : « On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. Vous, mes frères obscurs, personne ne vous nomme. »

Présentée au public depuis la fin août, et prévue pour être visible jusqu’au 27 septembre avec déjà un certain nombre de visites de classe des établissements scolaires du secteur programmée, l’exposition pourrait être prolongée.

En attendant, samedi 21 septembre à l’occasion des journées du patrimoine, une projection du film Soldats de la plus grande France, réunissant des témoignages de soldats recueillis en France, au Maghreb, en Afrique noire et en Nouvelle-Calédonie lors du travail préparatoire, aura lieu dans l’auditorium de la médiathèque. Un film par ailleurs disponible sur la chaîne YouTube des bibliothèques de Marseille.

Friday, September 13, 2024

 

« Morts pour la France » : « L’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre procède à un révisionnisme historique »

Dans une tribune au « Monde », l’historien Marc André estime qu’en attribuant le titre de « Morts pour la France » à des tirailleurs sénégalais exécutés par l’armée française en 1944 l’établissement public se livre à une instrumentalisation de l’histoire à des fins politico-mémorielles.

 

Le 18 juin 2024, l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) attribuait le titre de « Morts pour la France » à six tirailleurs tués par l’armée française, le 1er décembre 1944, à Thiaroye (Sénégal). Ces soldats, après avoir combattu pour libérer la France, avaient été massacrés parmi des dizaines d’autres pour avoir exigé leur solde.

La décision, ébruitée fin juillet par Le Monde, suscitait quelques satisfactions privées – celles de descendants trouvant là une forme de reconnaissance –, mais aussi des tensions diplomatiques, le premier ministre sénégalais estimant que la France n’avait pas à « fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés » à la fin de la seconde guerre mondiale, ainsi que des interrogations chez les historiens.

Sans entrer dans les débats historiographiques et mémoriels autour du massacre (nombre de morts, lieux de sépulture, droit à la réparation, etc.), mais parce que l’obscure procédure de transformer des « morts par la France » en « Morts pour la France » nous y invite, il importe de diriger notre regard non vers ce qui est montré par le doigt – le massacre et ses enjeux aujourd’hui –, mais sur le doigt lui-même : l’ONaCVG.

La dissimulation de la réalité

Quand il attribue une mention « Mort pour la France », l’ONaCVG est dans son rôle. Né en 1935 de la fusion de trois offices dédiés originellement aux mutilés, pupilles de la Nation et combattants, cet organisme, dont le nom devient définitif en 1946, est chargé de faire jouer la solidarité nationale envers celles et ceux qui avaient été qualifiés au sortir de la Grande Guerre (1914-1918) de premiers créanciers de la nation.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « La France n’oublie rien » : Emmanuel Macron rend hommage aux combattants français et africains du débarquement de Provence  L’ONaCVG, encadré par un code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, distribue les cartes du combattant, reconnaît les veuves de guerre – ou conjoints depuis 2005 –, les pupilles de la nation et, donc, aussi, les « Morts pour la France ». Voilà les piliers de cet organisme : reconnaissance et réparation. Mais quand l’ONaCVG en arrive à dissimuler une réalité en la tordant de la sorte par le choix des mots, on croit rouvrir le dictionnaire colonial dans lequel, comme le disait Roland Barthes, « les mots [ayant] un rapport nul ou contraire à leur contenu » donnent « à un réel cynique la caution d’une morale noble » (Mythologies, 1957).

Le cas d’école des morts de la guerre d’Algérie

Les choix classificatoires de l’office débouchent, intentionnellement ou non, sur une instrumentalisation de l’histoire à des fins politico-mémorielles. Car, au-delà des mots, derrière la reconnaissance du statut « Mort pour la France », qui est toujours le fruit de négociations, se joue l’image que le pouvoir entend se donner.

Le traitement des morts de la guerre d’Algérie est un autre cas d’école : les policiers français abattus en France par les militants indépendantistes, soit parce qu’ils étaient ciblés comme tortionnaires, soit tout simplement pour ce qu’ils représentaient, ont été reconnus « Morts pour la France » grâce à une loi du 7 janvier 1959 ; des familles d’Algériens membres de la Force de police auxiliaire créée par Maurice Papon, police à qui l’on doit en partie le massacre du 17 octobre 1961, ont dû argumenter jusqu’aux années 2010 pour obtenir ce statut ; d’autres familles algériennes, comme celles d’un militaire tué alors qu’il représentait l’armée d’Afrique le 14 juillet 1958 à Paris, ou d’un capitaine à la retraite exécuté en 1959 pour ses engagements profrançais, ont vu leurs demandes rejetées.

Instruisant les dossiers, l’ONaCVG fabrique ses archives dans lesquelles se trouvent bon nombre de « Morts par la France ». Toutefois, celles-ci sont difficilement accessibles du fait d’un réseau devenu labyrinthique. Si chaque département – et des ambassades en Afrique – possède une antenne de l’office, les versements aux archives n’obéissent à aucune règle claire. Depuis la suppression, en 2013, des directions interdépartementales des anciens combattants, les dossiers ont été versés au service des pensions de La Rochelle, mais l’accès est aléatoire. Les victimes des conflits contemporains ont leur division « archives » à Caen, bien qu’aucune centralisation de la collecte ne semble effectuée.

L’ONaCVG diffuse sa vision de l’histoire

Le sentiment de dossiers maintenus à l’écart des yeux de chercheurs quand ils n’ont pas été perdus ou détruits, dans le cas de Thiaroye ou d’autres, est légitime et il n’est pas besoin d’avoir la mémoire longue pour se rappeler que le secrétariat d’Etat aux anciens combattants et victimes de guerre – rattaché au ministère des armées et dont dépend l’ONaCVG – a dissimulé pendant dix ans le fichier juif créé sous l’Occupation.

L’ONaCVG bâtit aujourd’hui une politique mémorielle au carrefour de l’histoire, du patrimoine, de la mémoire et des archives. Il ne contrôle pas seulement l’accès à son propre passé, il diffuse sa vision de l’histoire. Pilotant les hauts lieux de la mémoire nationale, il définit ce qui peut être montré in situ ; tourné vers le monde scolaire, il invite des représentants d’associations présentes dans son conseil d’administration ou des témoins chevronnés à répéter leurs récits dans les classes, favorisant l’établissement d’une doxa au détriment de la complexité historique.

Soucieux de publicité quand il s’agit de promouvoir ses actions sociales – les Bleuets de France cousus sur les maillots d’équipes professionnelles de football en soutien aux victimes de guerre ou de terrorisme –, l’ONaCVG reste discret quand il attribue des mentions « Mort pour la France ». Cela est problématique dans le cas de Thiaroye, dans la mesure où, ici comme ailleurs, un révisionnisme historique entend valider les mensonges d’Etat. Une chose est sûre : une politique discrétionnaire débouche rarement sur une solidarité nationale ou internationale.


Marc André (maître de conférences à l’université de Rouen, chercheur à l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP))


« Morts pour la France » : « L’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre procède à un révisionnisme historique » (lemonde.fr)


 

Saint-Vincent-de-Paul : au camp de Buglose, le chemin des Tirailleurs sénégalais a été inauguré

Tout à gauche, Régine et Pierre et les porte-drapeaux après l’inauguration du chemin. © Crédit photo : Janette Lamarque

Par Janette Lamarque    Publié le 30/08/2024 à 16h45.    Mis à jour le 06/09/2024 à 11h29.

En ces temps de 80e anniversaire de la Libération, l’association Mémoire du camp de prisonniers de Buglose (MCPB40) a honoré ce 24 août, ces soldats coloniaux que l’armée française a incorporés dès 1940, soit 600 000 hommes originaires du Maghreb, Afrique subsaharienne, Madagascar pour l’essentiel. Le site de Buglose, de la commune de Saint-Vincent-de-Paul, a été mis à jour par la tempête Klaus et a été le seul camp des Landes réhabilité à l’identique après un travail de Titan mené par une poignée de bénévoles entourant Pierre et Régine. Le camp a abrité des prisonniers coloniaux puis – de 1945 à 1948 – des prisonniers allemands qui avaient créé ledit chemin, accès unique pour la Croix-Rouge, débouchant entre Buglose et Laluque, au-delà de l’entrée actuelle (drapeau tricolore).

17 000 tirailleurs sénégalais tombés pour la France

Ce 24 août, en présence d’une vingtaine de porte-drapeaux, l’événement d’une grande dignité a reçu le label « Mission Libération de l’État ». Il a concerné l’inauguration de ce chemin baptisé désormais chemin des Tirailleurs sénégalais, sachant que 17 000 d’entre eux sont tombés pour la France. Après le rappel succinct du passé par la présidente de MCPB40, le maire et vice-président du Conseil départemental, Henri Bedat, a dévoilé la stèle. Il a d’abord rappelé que les 11 hectares du site avaient été déclassés par l’ONF en 2011 avant d’assurer que l’intérêt qui lui avait été porté par quelques passionnés « forçait l’admiration ». « La commune s’associe désormais côté investissements pour ce camp perdu au milieu des pins, pan méconnu de l’engagement et du sacrifice », a-t-il ajouté.

En écho et d’un même cœur, le colonel François Devouge, nouveau délégué militaire départemental, et Julien Bazus, maire de Saint-Paul-lès-Dax et élu régional Nouvelle-Aquitaine, ont adopté des mots forts pour « ce lieu sacré », mettant en exergue « la résilience humaine de ces prisonniers coloniaux ignorés de tous. Que leurs sacrifices ne soient jamais oubliés. Sans relâche défendons la liberté, l’égalité, la justice dans un monde de paix ». Yan Cozian, sonneur de boa, a joué alors « un morceau d’espoir » d’une grande douceur. L’hymne national et le chant des cigales ont posé un point d’orgue à la cérémonie à beaucoup d’émotion.

Tels ces scouts ce 27 août, telles les nombreuses écoles landaises tout au long de l’année scolaire et autres groupes, visite du camp route de Laluque à Buglose (baraque historique) - 40 990 Saint-Vincent de Paul : sur rendez-vous (appeler quelques jours avant) 05 58 89 91 03 ou 06 31 54 27 46 courriel mcpb40@orange.fr Un ouvrage « Des Barbelés à Buglose » est en vente directement auprès de l’association.

Saint-Vincent-de-Paul : au camp de Buglose, le chemin des Tirailleurs sénégalais a été inauguré (sudouest.fr)




 
Gironde : une cérémonie émouvante à la mémoire des tirailleurs s’est déroulée à La Teste-de-Buch

Les noms des soldats étrangers morts pour la France sont à jamais gravés sur les stèles de la nécropole de Natus. © Crédit photo : Guillaume Prêtet

Par Guillaume Prêtet    Publié le 26/08/2024 à 12h38.    Mis à jour le 26/08/2024 à 18h04.

Vendredi 23 août avait lieu la traditionnelle cérémonie d’hommage aux tirailleurs

Chaque année, le 23 août à la nécropole nationale du Natus à La Teste-de-Buch, un hommage est rendu aux soldats d’Afrique subsaharienne morts pour la France. Ce sont une centaine de personnes qui ont participé à cette cérémonie.

Située au bord de la piste 214 d’où est parti l’incendie dévastateur de 2022, la nécropole est nichée sous les pins sur un petit promontoire. Elle abrite un monument funéraire et cinq stèles en métal sur lesquelles sont inscrits les noms des 956 tirailleurs sénégalais et malgaches, des 11 soldats russes et des deux Français morts dans l’ancien camp du Courneau. Leur décès est lié aux maladies contractées à cause de l’insalubrité de leur casernement, notamment au cours de l’hiver 1916-1917.

La date de commémoration a été choisie en référence à la libération de la ville de Toulon le 23 août 1944 par le 6ᵉ régiment de ce que l’on appelait les tirailleurs sénégalais et qui en fait comprenait aussi des soldats du Mali, Bénin, Côte d’Ivoire, Niger, Mauritanie et Guinée.

Devoir de mémoire

Lors de son intervention, Joël Lecloitre, le président de l’Union nationale des combattants de Gironde, a insisté sur « leur imbrication dans l’histoire de France » et sur « le lien profond entre ses hommes et la République ». Gérard Sagnes, premier adjoint au maire, a poursuivi en évoquant « le sacrifice de ces soldats » qui « furent de toutes ces guerres et de tous ces conflits pour servir les intérêts et la grandeur de la France ».

C’est aussi l’idée développée par le Consul général du Sénégal, Abdoulaye Diallo, qui a souligné les valeurs portées par ces hommes qui ont contribué à la libération de la France, avant de transmettre un message de remerciement du président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, « à ceux qui ont réalisé cette nécropole ».

Forte émotion

Dans son discours, le sous-préfet Ronan Léaustic a soutenu un plaidoyer en faveur de l’altérité. Guillaume Prêtet 

Pour terminer, le sous-préfet Ronan Léaustic a prononcé un discours très émouvant rappelant celui qu’il avait tenu la première fois ici après son entrée en fonction et qu’il se retrouvait ainsi au même endroit avant de quitter son poste pour rejoindre la Mayenne. Il s’est également remémoré les incendies de 2022 et ce site menacé par les flammes. « Il fallait éviter que les morts ne meurent une seconde fois » et ce fut le cas grâce « au combat acharné des pompiers » a-t-il expliqué. C’est aussi en ce lieu qu’il a pris la première décision d’évacuation de la population, car pendant un temps le PC des pompiers était situé à proximité de la nécropole.

Puis, revenant au sacrifice des tirailleurs sénégalais, il a évoqué « ceux qui n’ont jamais failli et ont combattu pour la France » avant d’exprimer « la gratitude de la Nation toute entière envers ses valeureux soldats » et d’invoquer « une mémoire partagée entre la France et l’Afrique ». Ce devoir de mémoire qui permet « de protéger son avenir ». Alors que son émotion était de plus en plus palpable, il a terminé par un plaidoyer en faveur des valeurs de la République et par cette sentence : « De nos différences, faisons une force. »

Gironde : une cérémonie émouvante à la mémoire des tirailleurs s’est déroulée à La Teste-de-Buch (sudouest.fr)


Saint-Piat

Une exposition qui fait vivre la mémoire de la Libération

Publié le 19/08/2024

Le public devant l’exposition consacrée à la Libération. © Droits réservés

Il y a 80 ans, Saint-Piat et les villages alentour étaient libérés par la 7e Division blindée du général Silvester et l’aide de résistants et de villageois.

À l’initiative d’Isabelle de Lamberterie, ancienne présidente de l’Association du patrimoine, assistée de Nathalie Ribault, une exposition a vu le jour pour conserver le souvenir de ces journées dramatiques et mémorables.

Commencé en 2020, mais interrompu par la crise sanitaire, un impressionnant travail de collecte d’archives a été entrepris auprès de la population.

L’exposition a été inaugurée samedi à l’occasion de l’anniversaire de la libération de Saint-Piat et des villages voisins.

Archives et souvenirs

L’association a tenu en particulier à s’appuyer sur des témoignages de gens encore vivants. Isabelle de Lamberterie insiste sur le fait que « cette exposition a vraiment pu être réalisée grâce aux gens du village, à leurs archives personnelles et à leurs souvenirs ».

À côté des faits marquants de ces cinq années de guerre en Eure-et-Loir, sont exposés des photos des défenseurs de Saint-Piat, résistants et simples citoyens, des documents comme des tickets de rationnement, et des témoignages de personnes ayant assisté aux événements des journées de la Libération.

Particulièrement émouvants, deux panneaux sont consacrés aux vingt et un tirailleurs sénégalais qui ont donné leur vie les 16 et 17 août 1940 en tentant d’empêcher les troupes allemandes de se rendre de Maintenon à Chartres.

Photos, lettres manuscrites à la plume, livrets militaires, portefeuilles, provoquent l’émotion et nous rapprochent de ces soldats. 

Pratique. L’exposition sera ouverte au public et aux enfants des écoles à partir du 1 er  septembre dans les locaux de la mairie.

Une exposition qui fait vivre la mémoire de la Libération - Saint-Piat (28130) (lechorepublicain.fr)



Après le débarquement en Provence, comment le « blanchiment » des troupes françaises a invisibilisé le rôle des tirailleurs africains

La grande majorité des soldats de l’« armée B », dirigée par le général Jean de Lattre de Tassigny, remontant vers Paris, était issue des colonies.

Par Judith Renoult    Publié le 15 août 2024 à 06h30, modifié le 16 août 2024 à 09h33 

Article réservé aux abonnés

Tirailleurs africains originaires du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso, du Niger, mais aussi d’Algérie, du Maroc ou de Tunisie qui ont participé massivement à la seconde guerre mondiale et à la libération de la France, notamment lors du débarquement en Provence, le 15 août 1944. Ici au départ de Marseille pour Dakar, en avril 1946. AFP

Il y a quatre-vingts ans, le 15 août 1944, les Alliés débarquaient en Provence : en moins d’un mois, ils parvenaient à libérer Marseille et Toulon, avant de rejoindre les forces de l’opération « Overlord », débarquées en Normandie le 6 juin. Si la contribution de la France y est considérable, c’est grâce à la participation de nombreux soldats africains, venus du Maghreb mais aussi d’Afrique subsaharienne, appelés à l’époque « tirailleurs sénégalais ». Sur les quelque 250 000 hommes que compte l’« armée B », qui deviendra ensuite la 1re armée française, dirigée par le général Jean de Lattre de Tassigny, la majorité était issue des colonies africaines de l’époque : les estimations s’étendent de la moitié des troupes à 80 %.

« [C]es combattants africains, pendant nombre de décennies, n’ont pas eu la gloire et l’estime que leur bravoure justifiait », reconnaissait le président Emmanuel Macron lors des célébrations du 75e anniversaire, en 2019. Le débarquement fut un succès, mais la remontée des troupes avait été marquée à l’automne 1944 par le retrait des tirailleurs d’Afrique subsaharienne des rangs de la 1re armée, qui avaient été remplacés par des résistants des Forces françaises de l’intérieur (FFI). Dès le 7 septembre 1944, l’état-major évoquait la « transformation rapide » des « troupes sénégalaises » en « unités entièrement blanches », selon une archive citée par l’historienne Claire Miot dans son article consacré au « Retrait des tirailleurs sénégalais de la première armée française en 1944 » publié en 2015 dans Vingtième siècle. Revue d’histoire (devenu depuis 20 & 21. Revue d’histoire) (Presses de Sciences Po).

...

Après le débarquement en Provence, comment le « blanchiment » des troupes françaises a invisibilisé le rôle des tirailleurs africains (lemonde.fr)



Débarquement de Provence : l’oublié du roman national

Jeudi 15 août 2024

Saint-Tropez, sud-est de la France, en août 1944, les troupes alliées débarquent sur la côte provençale au cours de l'opération « Dragoon », saisissant l'occupa ©AFP - AFP

Le 15 août 1944 a lieu l’opération Dragoon. Ce débarquement de Provence est un succès qui concourra à la fin de la guerre. Pour autant, il reste peu connu, éclipsé par l’opération normande et la libération de Paris. Pourquoi a-t-il été oublié, alors que la France y a joué un rôle important ?

Avec

  • Jean-Arthur Noïque professeur d’histoire-géographie au lycée Frédéric-Mistral à Avignon et docteur en histoire
  • Géraud Létang Historien, chercheur au Service Historique de la Défense. Spécialiste des empires coloniaux et de la Seconde guerre mondiale

Le débarquement de Provence, appelé formellement "opération Dragoon" commence à 8h du matin le 15 août.

Une opération incertaine

Géraud Létang : "Jusqu'aux premiers jours d'août, on ne savait pas si cette opération aurait lieu. Les Britanniques n'y tiennent pas vraiment, ils préféreraient aller davantage vers l'Italie et les Balkans parce que le but de tous les alliés est d'atteindre le Reich nazi le plus vite possible. Les Américains y tiennent néanmoins parce qu'ils veulent très vite arriver en Europe de l'Ouest et rejoindre la vallée du Rhône." Au bout de trois semaines, l'armée, appelée "armée B", a libéré l'équivalent d'un tiers du territoire français.

Composition de l'armée B

L'armée française est construite avec plusieurs unités hétéroclites, 230 000 hommes qui composent l'armée dite "B". Jean-Arthur Noïque précise que "la plupart des soldats découvrent la France, puisque les divisions de cette armée ont été formées en Afrique. Il y a notamment la 9e division d'infanterie coloniale, ce sont des tirailleurs sénégalais, la 3e division d'infanterie algérienne ou encore deux divisions qui viennent du Maroc."

Général de Lattre de Tassigny

Cette armée est dirigée par le général de Lattre de Tassigny. Contrairement au général de Gaulle ou au général Leclerc, il a d'abord reconnu l'armistice signée par le maréchal Pétain. Il est resté dans l'armée française et c'est le 11 novembre 1942, quand les Allemands franchissent la ligne de démarcation, qu'il ordonne à ses troupes de résister. Selon Jean-Arthur Noïque, "on reproche au général de Lattre de Tassigny sa raideur. Les relations sont extrêmement tendues entre Leclerc et Delattre. Et Leclerc ne veut absolument pas continuer à combattre sous les ordres de Delattre."

Les raisons de l'oubli

Plusieurs raisons à l'oubli de cet événement. La Libération de Paris prédomine dans la mémoire nationale. Ensuite, l’armée B a du mal à exister, car n’entre ni dans le récit gaulliste ni dans le récit communiste. Par ailleurs, aucun grand film n'en fait état. Autre explication encore, la Provence n'est pas un lieu du tourisme de guerre, contrairement à la Normandie.

Pour écouter :  Débarquement de Provence : l’oublié du roman national | France Culture (radiofrance.fr)

   Commémoration du 15 août 1944

Débarquement de Provence: témoignages de vétérans africains

La journée de commémoration est d'abord et avant tout l'occasion de rendre hommage à la contribution des soldats des anciennes colonies à la libération du pays. Ces combattants « indigènes » seront représentés par une quarantaine de vétérans, qui seront également conviés aux cérémonies. Beaucoup se souviennent, et témoignent de ces terribles moments.

Publié le : 15/08/2014 - 05:20    Modifié le : 18/08/2014 - 04:15

Le 28 août 1944, à Marseille, des prisonniers allemands sous la surveillance de tirailleurs algériens. AFP PHOTO

Rakotozafy, 96 ans, le dernier vétéran malgache encore en vie

Le président malgache, Hery Rajaonarimampianina, assistera, ce vendredi 15 août, aux cérémonies. Plusieurs centaines de soldats malgaches ont participé à ce débarquement, en août 1944, au sein des troupes coloniales. Rakotozafy, 96 ans, est aujourd’hui le dernier ancien combattant malgache. Il embarquera, ce vendredi, sur le porte-avion Charles de Gaulle.

Difficile de savoir combien de Malgaches ont participé au débarquement de Provence. Sans doute plusieurs centaines, éparpillés dans différentes unités. Ils viennent alors de divers horizons : certains ont rejoint l’armée de la France libre en 1942, après la libération de Madagascar, d’autres se sont engagés avant 1940 et combattent au sein des troupes coloniales stationnées en Afrique du Nord.

C’est le cas de Rakotozafy, 96 ans, il est aujourd’hui le dernier ancien combattant malgache. Incorporé en 1939, il passe une partie de la guerre au Maroc, il participe à la campagne d’Italie menée par les Alliés. Puis, en août 1944, c’est le débarquement de Provence, avec la première division française libre. Et la remontée vers le nord pour la libération de la France.

Certains Malgaches ont aussi participé au débarquement, malgré eux et de manière indirecte. Prisonniers, ils ont été utilisés par les Allemands pour construire des ouvrages de défense sur la côte méditerranéenne. A la fin de la guerre, près de 12 000 Malgaches attendent leur rapatriement. Le brigadier Rakotozafy rentre chez lui en août 1 946, il rejoint son village des hautes terres et reprend ses activités agricoles, après plus de six années de service.

Benyoucef Makarni et Allaoua Mokrane, vétérans algériens : « La moitié ont été jetés en mer »

Au cœur des troupes du débarquement, il y avait les tirailleurs algériens. Douze d’entre eux sont présents aujourd’hui à Toulon. Ils se souviennent de combats difficiles. Ce jour là, Benyoucef Makarni a 25 ans. Il prend la mer sans savoir quel sera l’objectif. «J'étais avec mon régiment en Corse, se souvient-il. Nous étions préparés pour un débarquement. On ne nous disait pas où nous allions aller demain ou après demain. Non. On nous donnait notre destination en haute mer. Le débarquement, c'est militaire. Le militaire, c'est la discipline, c'est les ordres. » Autour de lui, il y a des soldats africains et des alliés. « Il n'y avait pas beaucoup de Français, il y avait des Américains et des Anglais. »

A l’approche des côtes françaises, Allaoua Mokrane, 21 ans à l’époque, se souvient de la violence et de la panique. « La moitié ont été jetés à la mer. C'était le débarquement à la nage. Il y avait des morts. Et on est venu à pieds jusqu'à Toulon. A Toulon, on a trouvé de la résistance, et il y a eu un peu de casse. »

Arrivés sur la côte, les tirailleurs algériens se dirigeront vers Marseille, une ville qu’ils libèreront le 28 août.

Abdelaziz Ayari, vétéran tunisien : « Je ne regrette rien »

Lancé les 14 et 15 Août 1944, le débarquement a joué un rôle essentiel pour les Alliés durant la seconde guerre mondiale. À l'époque, la Première armée française, sous les ordres du Général de Lattre de Tassigny était alors constituée de plus de 400 000 maghrébins, dont des milliers de Tunisiens.

« Voici mes médailles, regardez ce casque, il a été abimé par des cartouches », montre Abdelaziz Ayari. À 83 ans, il est l'un des rares anciens combattants tunisiens encore vivant. De sa mobilisation durant la Seconde Guerre mondiale, il garde ses médailles et plusieurs éclats d'obus dans le corps : « Je ne regrette rien parce que j'ai bien travaillé et je suis content d'avoir bien combattu et défendu la France avec mon corps et mon sang. »

La participation des soldats maghrébins au débarquement de Provence a été très importante rappelle Mohamed Nourredine Dhouib auteur d'un ouvrage sur la Tunisie et la seconde guerre mondiale. « Les Maghrébins, en gros, représentaient de l'ordre de 60%, explique-t-il, et dans cette proportion, les Tunisiens représentaient peut-être 10 à 12% à peu près de l'effectif. Durant ce débarquement de Provence, ils ont participé massivement à la reconstruction de l'armée française. » Seulement, ces anciens combattants ont vu leurs pensions bloquées après les indépendances.« Les anciens combattants touchaient une indemnité, mais qui a été bloquée, poursuit Mohamed nourredine Dhouib, sans possibilité d'augmentation au fil du temps. Ce qui fait qu'au bout de plusieurs années, les gens se retrouvaient sans rien.»

Il aura fallu attendre 2002, pour que les autorités françaises entament un processus dit de décristallisation et de révision des pensions des anciens combattants africains.

Tanou Cissé, vétéran de Guinée Conakry : « Ce n’est pas nous qui avons déclaré la guerre »

Tanou Cissé a 96 ans aujourd'hui. Bien qu'originaire de la Guinée Conakry, il appartenait à ceux qu'on appelait les tirailleurs sénégalais. Les soldats d'Afrique subsaharienne engagés sous le drapeau de la France Libre. Ces tirailleurs composaient le gros des troupes, lors du débarquement de Provence. « Ce n’est pas nous qui avons déclaré la guerre. La France et l’Allemagne ont déclaré la guerre. Mais la France est venue recruter les jeunes gens », se souvient-il. 70 ans après, crâne chauve et une seule dent, il assure que tous les trois mois, il touche une pension. « Mais ça ne suffit pas », confie-t-il.

Ce n’est pas nous qui avons déclaré la guerre. La France et l’Allemagne ont déclaré la guerre. Mais la France est venue recruter les jeunes gens ici.

Boakal Lourba, vétéran burkinabè, raconte l’enrôlement de force

Le Caporal Boakal Lourba, originaire du Burkina Faso, faisait partie de ceux qui ont débarqué sur les plages de Provence, il y a exactement 70 ans. Malgré ses 94 ans, il se rappelle encore très bien de ce jour là, qu'il nous raconte avec l'aide d'un traducteur. Et si il insiste sur le fait que, parmi les soldats « il y avait une très bonne entente entre les Français et les non-Français », il rappelle que les tirailleurs ont été pour beaucoup enrôlés de force. « Il n’y avait pas de volontaires, on recrutait les gens par force, dans leurs villages », affirme-t-il.

A cette époque, il n’y avait pas de volontaires, on recrutait les gens par force, dans leurs villages.

Doubia Kaba, vétéran malien : « Si la valeur des médailles pouvait se refléter sur les pensions »

Le Malien Doubia Kaba, aujourd'hui âgé de 97 ans, servait comme caporal au sein des forces françaises libres qui ont débarqué en Provence. Avec l'aide d'un traducteur, il convoque ses souvenirs, encore vivaces. Incorporé le 15 février 1945. Doumbia Kaba a été forcé de s’enrôler, comme beaucoup. Lors du débarquement, leur chef de bord avait oublié de lever le drapeau pour indiquer qu’ils étaient Français. Ce sont eux, à bord, qui ont alerté, une fois au milieu de la mer.

Doubia Kaba, aujourd'hui âgé de 97 ans, servait comme caporal au sein des Forces françaises libres qui ont débarqué en Provence.

Un an après le débarquement de Provence, il est à Berlin, avec six autres de ses compatriotes maliens. Pour ses faits d'armes, le vétéran africain a reçu deux médailles. La première en 1947. Et la deuxième, ce jeudi 14 août. Malgré ses décorations, il reste amer quant au traitement injuste que réserve la France à ces anciens combattants. Il demande à être traité sur un pied d’égalité avec les anciens combattants français.


Pour écouter les témoignages de  Rakotzafi vétéran malgache, Tanou Cissé, vétéran de Guinée Conakry, Boakal Lourba, vétéran burkinabè, Doubia Kaba, vétéran malien :  Débarquement de Provence: témoignages de vétérans africains (rfi.fr)

 Reportage Afrique

Débarquement de Provence: une exposition pour mettre en lumière le rôle des soldats africains

Publié le : 15/08/2024 - 00:04    Par : Pierre Firtion

Il y a 80 ans aujourd’hui, deux mois après le débarquement de Normandie, les troupes américaines, françaises et coloniales débarquaient en Provence. Objectif : la libération de la France et de l’Europe du nazisme. L’évènement est commémoré aujourd’hui dans le Var. C’est sur les plages de ce département qu’ont débarqué 100 000 soldats, le 15 août 1944. Une cérémonie internationale à laquelle sont conviés plusieurs chefs d’États africains a lieu aujourd’hui à Saint-Raphaël. À quelques kilomètres de là, à Fréjus, un musée des Troupes de Marine accueille une exposition temporaire qui retrace l’histoire de ce débarquement et qui met notamment en lumière le rôle joué par les soldats africains.

Photo de goumiers d'Afrique du Nord, défilant sur le port de Marseille, en août 1944, quelques jours après le débarquement en Provence, l'un des faits marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale. AFP

Uniformes, armes, véhicules... L’exposition du musée des Troupes de Marine de Fréjus, au sud de la France, retrace, à travers des objets authentiques, photos, cartes et diagrammes, l’histoire du débarquement de Provence, un évènement dont de nombreux chiffres viennent d’abord rappeler l’ampleur : 2 000 bombardiers lâchèrent 8 000 tonnes de bombes. Près de 400 000 soldats débarquèrent dont 100 000 pour la seule journée du 15 août. Des militaires qui arrivèrent à bord de centaines de bateaux dont plus de 130 bâtiments de combats et neuf porte-avions en appui.


« Les témoins de l'époque disent qu'ils se sont réveillés le matin et que la mer était noire de bateau, raconte le médecin général inspecteur Marc Morillon, le président du conseil scientifique du musée. C'est pour cela qu'on a un peu de mal à comprendre qu'il passe un peu inaperçu, par rapport au débarquement de Normandie. C'est quand même une très grosse opération ! »

Les moyens matériels acheminés furent également colossaux. « 500 chars de combats et 11 000 véhicules, énumère-t-il. Avec des problèmes techniques : débarquer un char de trente tonnes sur une plage, ce n'est pas quelque chose de très évident... »

Parmi les soldats qui débarquèrent, 260 000 étaient issus de l’armée B, l’armée française reconstituée. Une force composée en grande partie de troupes coloniales, un point que l’exposition met largement en avant.

« On a pris le parti de faire une exposition à hauteur d'homme, explique Marc Morillon. C'est-à-dire qu'on vous présente les combattants, avec des portraits. » Des portraits, réels ou fictifs, de soldats des différentes unités sont ainsi présentés. Exemple, avec Issa, soldat du quatrième régiment de tirailleurs sénégalais, qui débarqua le 17 août 1944 à La Nartelle, à côté de Sainte-Maxime…

« Il a été équipé à l'américaine, décrit-il. C'est la première fois qu'il voit la France. Donc, il est surpris de découvrir ce pays et ce sol. Et puis, bien-sûr, les premiers combats, aux abords de Toulon, où ils sont obligés de déloger des positions allemandes avec des mitrailleuses. Ce tirailleur n'a pas existé. On a pris un prénom répandu chez les Sénégalais, puis l'historique du quatrième régiment des tirailleurs sénégalais. On sait ce qu'ils ont fait comme combats, donc il est facile d'imaginer l'histoire d'un soldat après. »

Également présenté, le parcours des tirailleurs nord-africain. « Là, vous avez le goumier marocain, montre Marc Morillon, bien reconnaissable à sa djellaba et son casque américain de 1917, dont on dit qu'ils étaient la terreur des allemands. C'étaient des guerriers très durs, originaires du Rif ou de l'Atlas. Les allemands étaient terrorisés de tomber entre leurs mains. »

Des dessins et des photos d’époques reviennent aussi sur le rôle central joué par les tirailleurs africains. Avec notamment la libération de Marseille et la prise de Notre-Dame de La Garde. Cette basilique qui surplombe la ville a été libérée grâce au rôle déterminant des tirailleurs algériens.

Débarquement de Provence: une exposition pour mettre en lumière le rôle des soldats africains - Reportage Afrique (rfi.fr)

Friday, August 02, 2024

 


Mémoire

France-Sénégal : un «petit pas en avant» vers la reconnaissance du massacre de Thiaroye

La reconnaissance dimanche comme «morts pour la France» de six tirailleurs sénégalais, exécutés en 1944 sur ordre d’officiers de l’armée française, irrite le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko.

Au cimetière militaire de Thiaroye, près de Dakar, sont notamment enterrés les soldats tués par l'armée française le 1er décembre 1944. (Seyllou/AFP)

par Agnès Faivre et AFP                 publié le 30 juillet 2024 à 11h47

« Morts pour la France ». Quatre petits mots désormais apposés sur les dossiers de Sene Saliou, Ibrahima N’Diaye, Gore N’Dour, M’Bap Senghor, Laya Sallou et Duzaï Made. Tous morts le 1er décembre 1944 à Thiaroye, au Sénégal. Quatre petits mots qui nuancent le récit officiel de ces « tirailleurs sénégalais », ainsi qu’étaient désignés les soldats issus de colonies françaises d’Afrique et ayant combattu sous le drapeau français (quatre sont en réalité originaires du Sénégal actuel, deux autres du Burkina Faso et de la Côte-d’Ivoire actuels). Et qui marquent une inflexion vers une éventuelle reconnaissance par la France du « massacre de Thiaroye », en référence à l’exécution, sur ordre de l’armée française, de tirailleurs rapatriés réclamant leurs arriérés de soldes.

Prise « à titre posthume » le 18 juin par l’Office national français des combattants et des victimes de guerre (OnaCVG), cette décision s’inscrit « dans le cadre des commémorations des 80 ans de la libération de la France, comme dans la perspective du 80e anniversaire des événements de Thiaroye, dans la droite ligne mémorielle du président de la République, qui souhaite que nous regardions notre histoire “en face” », a indiqué dimanche 28 juillet le secrétariat d’État français chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire.

« Fait de guerre »

« La mention “Mort pour la France” est attribuée dès lors que la preuve est rapportée que le décès est imputable à un fait de guerre, que ce décès soit survenu pendant le conflit ou ultérieurement », indique sur son site l’OnaCVG, établissement sous tutelle du ministère des armées. Et selon Armelle Mabon, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bretagne Sud, il s’agit d’un « petit pas en avant ».

Car la thèse officielle française de la riposte à une mutinerie d’ex-prisonniers a longtemps prévalu. Elle cède enfin le 30 novembre 2014, quand François Hollande et son homologue sénégalais, Macky Sall, inaugurent un mémorial au cimetière de Thiaroye, en banlieue de Dakar. Évoquant la « dette de sang qui unit la France à l’Afrique », comme il l’avait fait un an et demi plus tôt à Tombouctou, le président français reconnaît alors la responsabilité de la France lors de ces « événements », « tout simplement épouvantables, insupportables ». Mais il choisit d’évoquer « la répression sanglante de Thiaroye » plutôt qu’un « massacre ». Une nuance qui induit encore la culpabilité des tirailleurs exécutés par l’armée coloniale. La reconnaissance d’un décès lié à des « faits de guerre » de ces hommes s’inscrit davantage « dans le sens de l’histoire », selon Armelle Mabon, ouvrant la voie à d’autres demandes de descendants, voire à d’éventuelles procédures judiciaires pour innocenter, réhabiliter et indemniser les familles de présumés mutins condamnés à l’époque des faits.

« Bout d’histoire tragique »

Une « petite » avancée que le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko, accueille, lui, d’un ton plus courroucé. « Nous demandons au gouvernement français de revoir ses méthodes, car les temps ont changé ! a-t-il posté sur le réseau social X (ex-Twitter). Pourquoi cette subite « prise de conscience » alors que le Sénégal s’apprête à donner un nouveau sens à ce douloureux souvenir, avec la célébration du 80e anniversaire cette année ? Je tiens à rappeler à la France qu’elle ne pourra plus ni faire ni conter seule ce bout d’histoire tragique. Ce n’est pas à elle de fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés après avoir contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent. Thiaroye 44, comme tout le reste, sera remémoré autrement désormais. »












Cette réaction du chef de l’exécutif sénégalais traduit-elle une maladresse de Paris, qui ne l’aurait pas impliqué dans sa décision ? Un télescopage de projets de politique mémorielle, qui met à mal le souverainisme si cher à Ousmane Sonko, et l’empêcherait de donner le la, sur un sujet aussi vif dans la mémoire sénégalaise ? Le fait est que le massacre de soldats africains au camp de Thiaroye lui tient à cœur, rappelle Moussa Diaw, professeur émérite de sciences politiques à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis. « La visite de François Hollande en 2014 a ouvert la voie à la reconnaissance de ce massacre, mais n’a pas vraiment été suivie d’effets en France, souligne-t-il. Quant à la classe politique sénégalaise, elle ne s’en est pas emparée, craignant peut-être d’éventuelles tensions avec Paris. Ousmane Sonko, lui, conçoit ce projet de commémoration comme un événement politique majeur, qui s’inscrit à la fois dans la réhabilitation d’un pan d’histoire tragique mais insuffisamment documenté, et dans la reconfiguration des relations franco-sénégalaises. »

Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, le 16 mai 2024. (Seyllou/AFP)

Parmi les tâches qui permettraient de faire la lumière sur le massacre de Thiaroye : dresser le bilan des tirailleurs exécutés par les troupes coloniales et les gendarmes français ce 1er décembre 1944. « L’exhumation des corps va devenir inévitable, que ce soit au sein du camp de Thiaroye, où des dalles de béton ont été coulées, ou au cimetière militaire, qui compte 202 tombes anonymes », estime Armelle MabonSelon le bilan dressé par les autorités françaises à l’époque, au moins 35 tirailleurs ont trouvé la mort, sur place ou des suites de leurs blessures. Un chiffre controversé, des historiens estimant le bilan réel beaucoup plus élevé. Selon Armelle Mabon, entre 300 et 400 hommes ont été tués. Soit le différentiel entre les 1 600 à 1 700 tirailleurs embarqués à bord du navire qui les ramenait d’Europe vers le continent africain, et les 1 200 à 1 300 individus débarqués à Dakar, selon les chiffres fournis par l’administration coloniale après le massacre.

France-Sénégal : un «petit pas en avant» vers la reconnaissance du massacre de Thiaroye – Libération (liberation.fr)