"Ce fils du soleil venu mourir sous nos chênes": la mémoire
retrouvée du tirailleur inconnu de La Bussière, dans le Loiret
"Son sang s’est mêlé à la terre de France".
Mais on ne sait presque rien de ce soldat, tirailleur africain, venu combattre
contre l'Allemagne nazie. Sauf sa mort : le 17 juin 1940 à La Bussière, dans le
Loiret. Le village lui rend hommage, huit décennies plus tard.
Par Philippe Cros Publié le 26 octobre 2025 à 12h02
| La délégation de La Bussière a rendu hommage au tirailleur inconnu mort en 1940 dans la commune. © Philippe Cros |
Dans le grand champ d’honneur qu’est la nécropole nationale de Fleury-les-Aubrais, s’alignent les croix latines et les pierres musulmanes. Carré 13, tombe 62, repose le tirailleur inconnu de La Bussière, mort le 17 juin 1940 sur le territoire de la petite commune du Giennois.
Sur la plaque, on lit : "Inconnu. RTS. Mort pour
la France. 17-6-1940"
"Liberté, dignité, fraternité"
"On avait perdu sa trace", lâche Thierry Pellé,
président d’Histoire et patrimoine de La Bussière, au bout d’une cérémonie
humble et émouvante, qui s’est déroulée samedi 25 octobre.
Ceint de son écharpe républicaine, devant un porte-drapeau,
le maire Dominique Geoffrenet a rendu les honneurs au "soldat français
inconnu de race noire", comme il est écrit sur une plaque visible sur le
monument aux morts de la commune :
"Ces hommes ont donné leur vie pour un pays qui ne
les connaissait guère, mais qu’ils ont défendu avec honneur et bravoure, a-t-il
déclaré, avant un dépôt de gerbe. Leur mémoire nous oblige, elle nous
rappelle que la liberté, la dignité et la fraternité n’ont pas de
couleur et que le vivre-ensemble n’a pas de frontières. Nous sommes
reconnaissants et fiers de conserver sa mémoire."
C’est grâce au projet et l’exposition photographiques
Tirailleurs de Loire, portés par l’association Axismundis, que la commune
a pu retrouver son soldat inconnu.
Au sein d'Axismundis, Didier Lauret œuvre avec d’autres à
reconstituer cette histoire, celle des troupes coloniales présentes de Blois à
Gien durant la Seconde Guerre mondiale, depuis les combats de 1940 à la
Libération de 1944. Ce travail a permis de collecter un fonds important de
photographies, présentées dans l’exposition qui s’installera dans la salle polyvalente du village, du
1er au 13 novembre.
On sait peu de choses
D’abord enterré au cimetière de La Bussière, le tirailleur
du 8e Régiment de tirailleurs sénégalais (RTS) a été transféré à la nécropole
de Fleury en 1959. Ici, sont rassemblés 3.540 corps de soldats morts pour
la France lors des deux conflits mondiaux, dont 2.905 pendant la Seconde Guerre
mondiale. Parmi eux, de nombreux tirailleurs africains : des Sénégalais,
Algériens, Tunisiens…
Au milieu des croix, Thierry Pellé a retracé ce que l’on
sait, peu de choses au fond, du tirailleur inconnu.
Comment le soldat s’est-il isolé de son régiment ? Il n’y a que
des hypothèses.
Comment est-il mort ?
"Il s’est réfugié dans un petit bois qui est toujours dans le centre-bourg. On
sait qu’il a été abattu en tentant de s’échapper par le
mur du parc du château."
"Raviver la flamme"
Mais dans cette matinée à la douce lumière automnale, il
fallait un peu plus que ce récit incomplet. Alors, il reste les mots de
consolation écrits par Thierry Pellé, ceux de la mémoire retrouvée.
"La présence, la signification du sacrifice de ce
tirailleur oublié reprennent vie parmi nous. Et c’est à nous désormais,
habitants de la Bussière et citoyens de France, de raviver la flamme. […] Son
sang s’est mêlé à la terre de France, et cette terre s’en souvient. Nous
honorons aujourd’hui d’un salut fraternel ce fils du soleil venu mourir sous
nos chênes."
Et ceux, aussi, du poème Hosties noires de
Léopold Sédar Senghor, qui se termine par ses mots : "Recevez le
salut de vos camarades noirs, tirailleurs sénégalais morts pour la
République."
Celui du carré 13, tombe 62, n’est plus seul. Il a
retrouvé une famille, à La Bussière.
| La tombe du soldat inconnu de La Bussière. Son corps a été déplacé de La Bussière à la nécropole de Fleury-les-Aubrais en 1959. |
| La nécropole nationale de Fleury. |
| La nécropole rassemble 3.540 corps de soldats morts pour la France, dont de nombreux tirailleurs africains. |
| La commune a officiellement déposé une gerbe devant la tombe 62 du carré 13. |

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