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Depuis 17 ans, la mémoire des tirailleurs sénégalais vit à travers une marche entre Nice et Menton

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Depuis 17 ans, la mémoire des tirailleurs sénégalais vit à travers une marche entre Nice et Menton

Sous l’impulsion de Gaspard Mbaye, professeur d'Histoire à Nice, une centaine de lycéens ont participé à la marche commémorative entre Nice et Menton pour honorer les 1 137 tirailleurs enterrés au cimetière du Trabuquet à Menton.

Maxime Rovello  Publié le 13/05/2025 à 09:30, mis à jour le 13/05/2025 à 09:30

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Une centaine de lycéens niçois ont participé à cette marche commémorative. photo M. R. Photo M. R.

"Ils sont plus nombreux cette année !". Pour le comité d’accueil qui attend les marcheurs sur les hauteurs du cimetière du Trabuquet, c’est la surprise ! Plus dune centaine de lycéens compose le cortège de cette marche commémorative qui a relié Nice à Menton. Une tradition qui perdure depuis 2008. Pour la 17e année consécutive, lAssociation mémoire du tirailleur sénégalais (AMTS) a réuni des lycéens niçois pour réaliser ce périple mémoriel.

Arrivés en début daprès-midi, ce jeudi 8 mai, au cimetière du Trabuquet, sur les hauteurs de Menton, les marcheurs ont rendu hommage aux 1 137 tirailleurs venus du Sénégal, de Guinée, du Burkina Faso, de Madagascar ou encore dIndochine inhumés ici.

Ce pan de lhistoire, longtemps ignoré, continue de trouver écho grâce à la ténacité de lAMTS et de son président, Gaspard Mbaye. Ce professeur dhistoire, fils de tirailleur, a mené un travail de documentation pendant plus dune décennie, croisant archives militaires et registres civils pour identifier ces soldats oubliés. Son combat a abouti, en 2012, à l’inauguration d’un mémorial dédié dans ce même cimetière, fruit d’un long parcours semé d’embûches.

Et pour cette 17e année, le professeur d’histoire ne cache pas son plaisir d’avoir vu les rangs du cortège prendre de l’ampleur.

"Je n’en ai parlé qu’aux élèves du lycée Sasserno où j’enseigne. Par le bouche-à-oreille, c’est eux qui sont allés en parler autour d’eux. Ainsi, on a des élèves des lycées Calmette, Masséna et Parc Impérial. Nous avons même une autre association, AHTIS [Association pour l’histoire des tirailleurs sénégalais] qui nous a rejoints", livre Gaspard Mbaye.

"Un combat permanent"

En ce jour de célébration de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les lycéens ont lu plusieurs textes en hommage aux tirailleurs, mêlant créations personnelles et extraits de textes d’Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor.

"Quand j’ai commencé ce travail en 2008, il n’y avait rien de tout cela au Trabuquet", a rappelé Gaspard Mbaye. "Je cherchais le nom du premier tirailleur mort pour la France en décembre 1914, et je ne le trouvais pas. En consultant les archives, je me suis rendu compte qu’il manquait 600 noms. Ils étaient ici, dans les fosses communes." L’enquête historique a fait découvrir au professeur l’ampleur de l’oubli. "C’est là, dans le carré Orient, qu’on a retrouvé la moitié des tirailleurs morts pour la France entre 1914 et 1920."

Grâce à ses recherches acharnées, 1137 noms ont été identifiés et inscrits dans lhistoire, redonnant une identité aux anonymes. Le mémorial de Menton, qui a vu le jour grâce au soutien de la Principauté de Monaco, puis de l’État français et de nombreux partenaires, est devenu un symbole fort. "Nous avons lancé ce projet pour que jamais leur mémoire ne s’efface. C’est un combat permanent. Nous continuerons à défendre la mémoire du tirailleur."

"C’est un appel que je lance…"

Une mémoire locale qui s’inscrit aussi dans une mémoire plus vaste, encore douloureuse. "En décembre dernier, je me suis rendu à Dakar et Thiaroye. J’ai assisté au dépôt de la plaque pour les tirailleurs de Thiaroye, ces soldats exécutés par l’armée française en décembre 1944 (1), a poursuivi Gaspard Mbaye. J’ai écrit au président de la République. Cette histoire n’est pas entièrement résolue. C’est un travail de mémoire dans lequel nous prenons notre part pour ressusciter cette histoire et dire la vérité aux familles dont les parents ont disparu en 1944 et qui ne sont toujours pas indemnisées."

Aux côtés du professeur d’Histoire, El Mamadou Ndiaye, le maire de Thiaroye-sur-Mer a pris la parole. "Je suis heureux d’avoir participé à cette marche qui, pour moi, est un devoir. En tant que maire de Thiaroye, je ne peux pas rester les bras croisés face au drame survenu le 1er décembre 1944. J’ai décidé de m’adjoindre aux efforts pour préserver la mémoire et ressusciter la dignité de nos ancêtres. Sans leur sang versé, nous tous ne serions pas ceux que nous sommes. Je continuerai de mener le combat pour que ces tirailleurs entrent au Panthéon. C’est un appel que je lance car entre la France et les tirailleurs, c’est une longue histoire qui doit continuer. Je souhaite rendre justice à nos ancêtres."

En présence d’Emmanuel Ravier, conseiller municipal délégué aux affaires militaires, des gerbes de fleurs ont été posées au pied de la statue du tirailleur.

1 - En France, le massacre de Thiaroye reste relativement méconnu. Il faudra attendre 2014 pour que François Hollande, président en exercice, admette officiellement la mort de «plus de 70» tirailleurs sous les balles de larmée française.

La dernière marche?

"J’ai une pensée pour ceux qui sont invisibles et qui, à leur manière, participent à cette aventure. Ce sont eux qui m’ont poussé à faire cette marche. Mais cette année, je me dis que c’est la dernière. Je suis un peu fatigué… Je ne sais pas si je tiendrai ma parole… cela dépendra de ce que je ressens."

Après 17 années, l’émotion est palpable chez Gaspard Mbaye. Pourtant, ce 8 mai, l’affluence était exceptionnelle. Des nouveaux élèves mais aussi d’anciens. Entrés dans la vie active mais qui sont revenus marcher à ses côtés. Tous ces jeunes gens, qu’ils découvrent cette histoire ou qu’ils la portent déjà en eux, étaient heureux et fiers d’avoir accompli ce périple. Nul doute que c’est dans ces sourires, dans cette jeunesse curieuse et engagée, que Gaspard Mbaye puisera la force de repartir l’an prochain.

Depuis 17 ans, la mémoire des tirailleurs sénégalais vit à travers une marche entre Nice et Menton - Nice-Matin


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