L'histoire oubliée du massacre de Thiaroye, exposée à la Maison de la Région à Limoges
L'histoire oubliée du massacre de Thiaroye,
exposée à la Maison de la Région à Limoges
Jusqu'à fin juin, une exposition rappelle, à Limoges, un pan méconnu et tragique de l'histoire française, le massacre de Thiaroye.
Par Jean-Louis Mercier. Publié le 13 juin 2025 à 10h55
Seules six victimes ont, pour l'instant, été reconnues mortes pour la France, selon Karfa Diallo © Populaire du Centre |
Le 1er décembre 1944, les troupes coloniales françaises massacrent des tirailleurs sénégalais, démobilisés après avoir servi sur le front de la Seconde Guerre mondiale et qui réclamaient leur solde. Ce fait historique longtemps oublié fait l’objet d’une exposition à l’hôtel de Région à Limoges, proposée par un conseiller régional, Karfa Diallo, né dans le camp de Thiaroye où le massacre s’est déroulé.
Karfa Diallo, qu’est-ce que ce camp de Thiaroye ?
"Je suis né et j’ai grandi dans le camp militaire où
s’est déroulé ce drame, puisque mon père était un ancien tirailleur sénégalais,
qui a servi à Thiaroye, d’abord l’armée française, puis l’armée sénégalaise.
C’était le plus grand camp d’entraînement, d’enrôlement et de formation des
tirailleurs de toute l’Afrique de l’Ouest. Ces soldats réclamaient les soldes
de captivité qui leur étaient dues. À la place, l’état-major de Dakar décidera
de les fusiller. Selon certains historiens, il y aurait eu plusieurs centaines
de morts."
Comment cette histoire a-t-elle pu disparaître
de la mémoire française ?
"Elle est emblématique des relations entre la France et les pays qu’elle a colonisés en Afrique, emblématique d’un déni français. Pendant des décennies, la France fera passer cette fusillade pour une exécution de soldats qui auraient désobéi. Grâce aux travaux d’historiens, on sait qu’il s’agit d’une exécution hors procédure judiciaire, ce qui est unique dans l’histoire de notre pays. François Hollande a été le premier à briser le silence historique, en 2014, en admettant qu’il y avait bien eu un massacre colonial. La France a alors aidé à l’édification d’un cimetière sur le lieu même du massacre.
L’État français s’est enfermé, pendant plusieurs décennies,
dans une lecture de son roman national avec une absence de remise en cause de
certains faits historiques. Il y aura des massacres importants commis, jusqu’à
la fin des années soixante, en Afrique de l’Ouest, en Indochine, à Madagascar…,
sur des populations qui demandaient que la liberté leur soit accordée."
Aujourd’hui, la reconnaissance de ce massacre
par la France ne va pas sans heurts avec le Sénégal.
"La France a tellement tardé à reconnaître ce massacre
que le vent souverainiste, qui souffle en Afrique de l’Ouest, fait qu’il y a
une reprise en main du récit mémoriel par ses dirigeants. Lorsqu’Emmanuel
Macron a indiqué la volonté de la France d’écrire cette histoire, le nouveau
régime sénégalais a indiqué qu’il allait lui-même faire la lumière sur cette
affaire. Des fouilles archéologiques ont été lancées. Il faut encore faire le
point sur le nombre de morts. Et le 1er décembre dernier, il y a eu
une commémoration inédite sur place, à laquelle j’ai été invité. Je n’y étais
jamais retourné. C’était très émouvant."
Pratique. Expo visible à la maison de la Région, à
l’initiative de l’association Mémoires et partage, du lundi au vendredi, de 8 h 30
à 12 h 30 et de 13 h 30
à 17 heures. Entrée libre. Jusqu’au 28 juin.
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