Friday, June 13, 2025

À la mémoire des tirailleurs tués à Jeugny et Javernant

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À la mémoire des tirailleurs tués à Jeugny et Javernant

Les deux communes se sont associées pour rendre hommage, samedi, aux soldats « indigènes » tués en juin 1940 (douze à Jeugny, un à Javernant).

Une place en leur honneur sera inaugurée à Jeugny.

Stéphanie Munier (avec Andre Dolat) Journaliste

Comment s'appelaient-ils ? D'où venaient-ils ? Avaient-ils seulement imaginé  qu'ils mourraient loin des plaines ocres ou des rives des Trois Volta qui les avaient - peut-être - vu naître ? À ces questions, encore aujourd'hui, il y a très peu de réponses. Mais faisant fi de ces incertitudes, les municipalités de Jeugny et Javernant ont décidé de rendre hommage aux treize soldats des troupes indigènes tuées en juin 1940 : onze à Jeugny, un retrouvé dans les bois alentour, et un à Javernant. « Les communes souhaitaient célébrer les 85 ans de cette tuerie. Nous avons décidé de nous associer parce que nous sommes tous deux sensibles au sort de ces troupes indigènes. Il était important de leur rendre hommage », expliquent Marc Girard, maire de Jeugny, et Christian Cassonet, maire adjoint de Javernant.

Crime de guerre

L'histoire est connue. En tout cas ses grandes lignes. Outre Gabriel Grosley, de nombreux historiens et érudits dont Olivier Pottier se sont penchés sur le destin de ces hommes tués par les Allemands. « Assassinés », tiennent à préciser les deux élus. Car pour qui connaît les règles de la guerre, les 17 et 18 juin 1940 (dates des exécutions), la France s'est déjà rendue et s'apprête à signer l'armistice avec l'Allemagne (il le sera le 22 juin). On n'est donc pas en 1944 avec la déroute allemande - qui sera à l'origine des massacres perpétrés par des bataillons nazis aux abois comme à Buchères - et les règles de la guerre auraient donc dû être appliquées et ces soldats faits prisonniers, en vertu des conventions de Genève. Mais ils seront passés par les armes sans autre forme de procès.

« À l'époque, il n'y avait presque personne dans le village, c'était la Débâcle. Les gens sont revenus quelques jours après et ont trouvé les corps. Ce qui est certain, c'est que les Allemands ont tout fait pour effacer leurs traces, ils ont arraché les plaques et jetés les papiers. Ils ne voulaient sûrement pas qu'on voie des hommes noirs porter des armes et un uniforme. Ils auraient dû être faits prisonniers, c'est clairement un crime de guerre ! »

Morts pour la France

Mais si les deux élus se sont penchés sur le destin des troupes indigènes, ils tiennent d'abord à rendre hommage à ces soldats fusillés, ceux qu'ils appellent « leurs » tirailleurs. Dans les deux communes, ils sont inscrits sur le monument aux morts. Et pour les douze victimes de Jeugny, inhumées au cimetière. Le tirailleur de Javernant a été transféré à Suippes : « On n'a pas vraiment eu le choix, l'autorité militaire l'a exigé ». Mais à Jeugny, pas question ! « C'est vrai que c'est peut-être une forme d'appropriation de dire "nos tirailleurs" mais c'est notre manière de montrer que ce sont nos semblables. Ils sont morts pour la France. Ils sont enterrés dans un carré militaire, nous n'avons pas voulu que leurs corps soient relevés. Par délibération, le conseil municipal s'est engagé à toujours entretenir et fleurir les tombes. »

Et pour marquer encore plus cette volonté farouche de rendre hommage à ces soldats, la municipalité de Jeugny inaugurera une « Place des Tirailleurs Sénégalais ». « Il fallait rendre hommage à ces soldats. Aujourd'hui encore, on n'en a identifié que trois : un Algérien et deux originaires de la Haute-Volta », explique Marc Girard. Outre ces interrogations, subsiste une question : « Que faisaient-ils là ? Comment sont-ils arrives dans nos villages ? » Mais à défaut de trouver les réponses, les deux municipalités souhaitaient surtout rendre hommage à ses treize soldats africains venus combattre - et mourir - bien loin de chez eux.

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Douze tirailleurs exécutés à Jeugny sont inhumés au cimetière de la commune. Le conseil municipal s'est engagé à toujours entretenir leur tombe et à honorer leur mémoire.

+ Le programme de la cérémonie

10 h : hommage au tirailleur sénégalais, au monument aux morts de Javernant

10 h 30 : deplacement vers le cimetière de Jeugny

10 h 45 : hommage rendu sur la place des Tirailleurs-Sénégalais a Jeugny puis au cimetière militaire aux douze tirailleurs sénégalais massacrés en juin 1940

À l'issue de la commémoration, une exposition intitulée « Les Tirailleurs d'Afrique » sera présentée à la salle des fetes de Jeugny, suivi du verre de l'amitié.


Kanou Za, mort pour la France à plus de 4 000 km de chez lui

À Javernant, le seul mort de la Seconde Guerre mondiale n'était pas un habitant du village. Kanou Za, 25 ans, natif de Kouana en Haute-Volta (aujourd'hui Burkina-Faso), a été tué à Javernant, par les Allemands, le 18 juin 1940. « J'ai trouvé son acte de décès dans les registres d'état civil de la mairie », déclare Daniel Kaufmann, passionné d'histoire locale. Alors maire adjoint, il effectue des recherches pour trouver la tombe dans le cimetière. Il apprend alors que le corps a été exhumé et emporté dans la Marne. Lors d'une rencontre, quelques années plus tard avec Sébastien Touffu, directeur de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac), il obtiendra des renseignements précieux.

Kanou Za est enterré dans la nécropole nationale de la ferme de Suippes (Marne) dans le carré 1939-1945, sépulture n° 1341. Quelles sont les circonstances de sa mort ? Il y a plusieurs versions plus ou moins fantaisistes, mais il y en a une qui paraît vraisemblable. Suite à la débâcle de l'armée française, Kanou Za se serait réfugié à Javernant, à la ferme Honnet. Il aurait entendu des véhicules militaires et a certainement pensé qu'il s'agissait de militaires français. Hélas, il s'agissait des envahisseurs. Il fut aussitôt abattu. Le gros des combats dans l'Aube venait de se dérouler entre le 15 et le 17 juin, mais les troupes ennemies continuaient d'avancer pour encercler tout le département. Ils ont circulé à Javernant allant d'Estissac à Chaource sur la route départementale D34.

Suite aux recherches de Daniel Kaufmann, à l'action notamment de Christian Cassonnet (maire adjoint) et de Sébastien Touffu (directeur de l'ONAC), un hommage sera rendu au tirailleur Kanou Za, en présence de nombreuses personnalités, ce samedi 14 juin à 10 h au monument aux morts du village. Son nom est désormais gravé sur le monument. Une cérémonie analogue se déroulera à 10 h 45 à Jeugny où onze tirailleurs ont été assassinés.

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