Juin 1940 : le massacre des « tirailleurs sénégalais » à Clamecy
Un article paru récemment :
Juin 1940 : le massacre des « tirailleurs sénégalais » à Clamecy
(France 3 Bourgogne Franche-Comté)
Compte-rendu
voyage à Clamecy
En 2012, nous avons
entendu parler d'un documentaire diffusé sur FR3, « les 43 tirailleurs » et
fait la connaissance de sa réalisatrice Mireille Hanon. Notre bulletin n°6 a
consacré une page à la présentation de cet excellent film documentaire.
Originaire de Clamecy dans la Nièvre, Mireille Hanon s'est interrogée sur une stèle installée dans cette commune et dédiée à quarante-trois tirailleurs sénégalais. Elle a cherché, à travers des documents officiels et des témoignages, à connaître leur histoire, intimement liée à celle de la commune puisque ces hommes y ont été massacrés par des soldats allemands lors de la débâcle de juin 1940.
Elle a réussi à
retrouver le nom d'un grand nombre d'entre eux et a fait, avec le photographe
Philippe Guionie, le voyage au Sénégal. Ils se sont rendus d'abord à Dakar et à
Thiaroye pour y rencontrer des officiels, des enseignants et des artistes tous
engagés dans la mémoire des tirailleurs; puis dans la famille des deux
ressortissants de ce pays. Ainsi à travers les photos de leurs descendants et
les récits de ceux qui les avaient connus ou avaient entendu parler d'eux dans
les villages de Sakh et Diéwol, la cinéaste fait vivre le souvenir de ces
soldats.
Après une première
projection du film à Clamecy en 2011 plusieurs initiatives ont été menées par des
habitants de la ville et de la région. Ainsi en juin 2012 s’est tenu au Musée
de la Résistance de Saint-Brisson un colloque sur « les massacres racistes de
l’armée allemande ». La dynamique s’est poursuivie à Clamecy en 2012 et 2013
sur le thème de la « mémoire partagée ». En novembre a été posée une plaque
portant les noms de 32 des tirailleurs assassinés en juin 1940, identifiés
grâce au travail d’enquête mené dans le cadre du film « Les 43 tirailleurs » ;
cette plaque se trouve à côté de la stèle commémorant la mémoire de ces soldats.
Toujours en novembre, le film Camp de Thiaroye d’Ousmane Sembene a été projeté
dans un cinéma de la ville ; à la librairie Le Millefeuille, des lectrices de
Clamecy ont présenté des lectures publiques du roman de Didier Daeninckx,
Galadio, en présence de l’auteur (le héros de ce roman est le fils d’une
Allemande et d’un tirailleur sénégalais qui a participé à l’occupation de la
Ruhr en 1923). Deux expositions ont été présentées au Musée d’Art et d’histoire
Romain Rolland : tout d’abord l’exposition la Force Noire, réalisée par
l’Office national des Anciens Combattants, qui retrace l’histoire des régiments
de tirailleurs sénégalais ; ensuite une série de très beaux portraits d’anciens
combattants africains réalisée par le photographe Philippe Guionie[1].
Parallèlement, au
Sénégal, le film « Les 43 tirailleurs » fut présenté à Dakar en décembre 2012,
ainsi que dans les villages de Sakh et Diéwol. Des rencontres et débats ont eu
lieu au lycée de Thiaroye avec des lycéens et un professeur d’histoire, Samba Diop,
qui a beaucoup travaillé sur le massacre de Thiaroye.
Tout ceci témoigne
d’un véritable travail de mémoire et d’histoire partagées. Nous n’avions pas pu
nous rendre à Clamecy en novembre 2012, et c’est fin mai 2013 que notre petite
délégation de l'AHTIS a effectué le voyage depuis Paris.
Nous avons été accueillis par Madame
Boisorieux, maire de la commune, une adjointe de la conservatrice du musée
Romain Rolland, une des libraires du « Millefeuille » et Mireille Hanon bien
sûr.
Nous avons pu visiter
les expositions ; nous avons également vu et photographié la stèle consacrée
aux 43 tirailleurs, et la nouvelle plaque posée en 2012. Nous avons pu
également photographier la tombe d’un tirailleur qui avait pu s'échapper avant
d'être rattrapé et exécuté. Il fut enterré dans une commune voisine, et il est
à remarquer que sur sa tombe c’est l’inscription « soldat français », qui a été
gravée.
Jolie petite ville
d’environ 4000 habitants, Clamecy garde quelques activités industrielles et est
devenue un refuge des Parisiens le week-end. La ville a pris à cœur ce pan de
son histoire et s'inscrit dans la même démarche que Chasselay, Airaines,
Cressonsacq ou Erquinvillers qui n'ont pas voulu oublier ces hommes venus
défendre la France. Il importe de savoir que la Nièvre, comme d’autres
départements voisins, a été durant la période de l’occupation allemande de 1940
à 1944 un foyer important de résistance, et que ce sont des résistants de
Clamecy qui décidèrent de commémorer la date du 11 novembre durant les années
d’occupation, devant la tombe où étaient ensevelis les tirailleurs assassinés
en juin 1940.
V. Leduc et F. Croset
Annexe : notes de lecture de
l’ouvrage de Philippe Guionie et Gaston Kelman, Anciens combattants
africains, éd. Les Imaginayres, 2006.
Ce livre vaut la
peine d’être lu et acquis. C’est un livre de photographies, constitué de
portraits d’anciens combattants originaires du Sénégal, de Guinée, du Burkina,
du Bénin, et de photographies de différents lieux, en Afrique et en France,
liés à leur histoire. Cette œuvre artistique nous fait un peu plus connaître
ces hommes et leur vie, chacun. Le travail du photographe est nommé par
lui-même comme une « quête mémorielle » ; l’artiste ajoute qu’il « devient
passeur de mémoire ». Et c’est avec un grand intérêt que nous relevons cette
phrase à la fin de l’ouvrage : « les tirailleurs africains sont, pour quelques
années encore, nos contemporains. Ils vivent quelque part dans la brousse ou le
bled, le quartier ou le foyer ».
[1]
Voir en annexe les notes de lecture de
l’ouvrage réalisé par Philippe Guionie et Gaston Kelman à partir de ces photos.
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