Des regards croisés d’historiens sénégalais et français éclairent le rôle des tirailleurs africains en 1914-1918
Au Sénégal, un ouvrage collectif éclaire d’un jour nouveau la participation des tirailleurs sénégalais à la Première Guerre mondiale. Fruit d’un travail entre historiens sénégalais et français, il propose des regards croisés sur cette mémoire encore vive, de Dakar à la Picardie.
Publié le : 02/09/2025 - 13:36
La couverture de l'ouvrage «Autour des tirailleurs sénégalais de 14-18. Mémoire locale, mémoire globale». © Communauté des communes de Retz en Valois |
Par : RFI - Avec notre correspondante à Dakar, Juliette Dubois
Pendant six mois, les chercheurs ont mêlé leurs regards. Des historiens sénégalais sont partis en Picardie, dans le nord de la France, pour explorer les archives, tandis que leurs homologues français ont séjourné à Dakar.
Résultat : une dizaine d’articles sur le rôle des tirailleurs africains durant la « Grande Guerre », avec des points de vue parfois très différents sur certaines figures.
Jean-Michel Rouyer, passionné d’histoire, a coordonné le projet côté français. « Par exemple, l’article sur Van Vollenhoven est particulièrement intéressant, souligne-t-il. Parce qu'à partir d’un même personnage, on a deux visions qui sont, par moment, assez divergentes. C’est précisément ce qui est intéressant en histoire : montrer qu’il n’y a pas une vérité historique, mais des vérités historiques en fonction des lieux, des contextes et des périodes. Et, après, le lecteur se fait son opinion ».
Si le capitaine et administrateur colonial Joost Van Vollenhoven est vu comme un héros côté français, il s'est aussi distingué par sa violence au Sénégal en voulant désarmer la Casamance et la région du fleuve Sénégal.
À Dakar, les historiens ont aussi révélé le rôle essentiel des confréries religieuses dans la mobilisation des tirailleurs. Gana Fall, historien, explique : « Il y a une deuxième spécificité avec l’implication des marabouts dans la guerre, toutes confréries confondues. Tous les marabouts avaient décidé de soutenir la France. Certains ont même donné leurs fils. »
L’ouvrage issu de ce travail a été publié à l’occasion de la Semaine de la francophonie, en mars dernier.
«La participation des tirailleurs durant la "Grande Guerre" a été beaucoup plus significative» qu’en 1939-1945
Des tirailleurs sénégalais, on connaît bien la contribution lors de la Deuxième Guerre mondiale, mais beaucoup moins pendant la guerre de 1914-1918. Une erreur qui doit être rectifiée, pour le professeur Mor Ndao, spécialiste d’histoire africaine et directeur de l’école doctorale d’histoire de l'Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. « Évidemment, le focus est mis sur la Seconde Guerre mondiale à cause de Thiaroye, souligne-t-il, au sujet du massacre commis par les troupes coloniales et des gendarmes français à l'encontre de tirailleurs africains, le 1er décembre 1944, au camp militaire de Thiaroye, près de Dakar. Mais l'un dans l'autre, je pense que les faits d'armes, la participation des tirailleurs sénégalais durant la "Grande Guerre" a été beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup plus significative. Ils ont été décisifs dans le corps expéditionnaire d'Orient qui a ouvert la voie vers la Turquie et vers la mer Noire pour gagner la Russie. Ils ont été décisifs dans les combats de la Somme, de Verdun, de Picardie, sur laquelle on a insisté avec la bataille du Bois des Juifs et la bataille du Bois Madame. Donc, il s'agissait d'un combat contre l'oubli, de remettre à l'endroit la place de ces tirailleurs dans la contribution significative, dans l'émergence du monde libre, dans la défense de la démocratie ».
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