Tollaincourt entretient la flamme de son résistant venu de Guinée
Nous signalons la parution d'un article sur Addi Bâ dans Libération du 17 août 2020.
Par Bernadette Sauvaget, Envoyée spéciale a Tollaincourt (Vosges) et Emmanuel Pierrot, Photos .Vu — 17 août 2020 à 20:11
Addi Bâ, torturé par la Gestapo avant
d’être condamné à mort, était surnommé par les nazis le « terroriste noir ».
Une plaque en sa mémoire a été posée en 2003 à Tollaincourt. Photo Emmanuel Pierrot pour Libération Dans
un village des Vosges, une rue porte le nom d’Addi Bâ, un tirailleur qui a
combattu l’occupant avant d’être arrêté et fusillé par les nazis en 1943.
Deux sœurs octogénaires qui l’ont connu continuent d’honorer sa mémoire. Leur
jeune cousin tente de reconstituer son histoire. Devant la jolie maison de
Clotilde et Monique Aubert à Tollaincourt, dans les Vosges, il y a un banc de
pierre et un minuscule carré de jardin. Les deux sœurs aiment s’y asseoir pour
bavarder. Ensemble, elles comptabilisent, il est vrai, 171 ans. Comme
c’est encore l’usage à la campagne (le bourg vosgien n’a qu’une centaine
d’habitants), Clotilde porte un tablier en vichy rouge et Monique, une blouse
bleue. Même si leur mémoire flanche forcément un peu, l’une et l’autre n’ont
pas oublié Addi Bâ. Ce jeune héros de la Résistance, né en Guinée dans la
région montagneuse du Fouta-Djalon aux alentours de 1916 (1), a partagé la
vie des villageois de 1941 à 1943, en leur cachant soigneusement ses
activités clandestines. Prononcer son nom devant les sœurs Aubert ranime des
souvenirs heureux, provoque des fous rires malgré la fin tragique de
l’histoire. Des hauteurs de
Tollaincourt, le regard s’envole vers le coteau d’en face. Ici, le pays s’est
façonné tout en rondeurs. Puis l’œil se pose sur le massif forestier du
Creuchot qui fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, le refuge de fugitifs et
de résistants : des tirailleurs sénégalais errants, des aviateurs britanniques
perdus, des réfractaires du STO (service du travail obligatoire) et peut-être,
dit-on, quelques Juifs tentant de fuir les persécutions. « De là, on pouvait gagner la frontière suisse sans traverser
trop de villages », raconte l’une des deux sœurs. D’un
hochement de tête, Etienne Guillermond, leur jeune cousin, acquiesce. Depuis
son enfance ou presque, il est le biographe passionné de celui qui était
considéré par l’occupant comme le « terroriste noir » des Vosges. |