Wednesday, August 26, 2020

Tollaincourt entretient la flamme de son résistant venu de Guinée


Nous signalons la parution d'un article sur Addi Bâ dans Libération du 17 août 2020.


Libération

Par Bernadette Sauvaget, Envoyée spéciale a Tollaincourt (Vosges) et Emmanuel Pierrot, Photos .Vu — 17 août 2020 à 20:11


Addi Bâ, torturé par la Gestapo avant d’être condamné à mort, était surnommé par les nazis le « terroriste noir ». Une plaque en sa mémoire a été posée en 2003 à Tollaincourt. Photo Emmanuel Pierrot pour Libération

Dans un village des Vosges, une rue porte le nom d’Addi Bâ, un tirailleur qui a combattu l’occupant avant d’être arrêté et fusillé par les nazis en 1943. Deux sœurs octogénaires qui l’ont connu continuent d’honorer sa mémoire. Leur jeune cousin tente de reconstituer son histoire.

Devant la jolie maison de Clotilde et Monique Aubert à Tollaincourt, dans les Vosges, il y a un banc de pierre et un minuscule carré de jardin. Les deux sœurs aiment s’y asseoir pour bavarder. Ensemble, elles comptabilisent, il est vrai, 171 ans. Comme c’est encore l’usage à la campagne (le bourg vosgien n’a qu’une centaine d’habitants), Clotilde porte un tablier en vichy rouge et Monique, une blouse bleue. Même si leur mémoire flanche forcément un peu, l’une et l’autre n’ont pas oublié Addi Bâ. Ce jeune héros de la Résistance, né en Guinée dans la région montagneuse du Fouta-Djalon aux alentours de 1916 (1), a partagé la vie des villageois de 1941 à 1943, en leur cachant soigneusement ses activités clandestines. Prononcer son nom devant les sœurs Aubert ranime des souvenirs heureux, provoque des fous rires malgré la fin tragique de l’histoire.

Des hauteurs de Tollaincourt, le regard s’envole vers le coteau d’en face. Ici, le pays s’est façonné tout en rondeurs. Puis l’œil se pose sur le massif forestier du Creuchot qui fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, le refuge de fugitifs et de résistants : des tirailleurs sénégalais errants, des aviateurs britanniques perdus, des réfractaires du STO (service du travail obligatoire) et peut-être, dit-on, quelques Juifs tentant de fuir les persécutions. « De là, on pouvait gagner la frontière suisse sans traverser trop de villages », raconte l’une des deux sœurs. D’un hochement de tête, Etienne Guillermond, leur jeune cousin, acquiesce. Depuis son enfance ou presque, il est le biographe passionné de celui qui était considéré par l’occupant comme le « terroriste noir » des Vosges.