Thursday, February 02, 2023



Jacqueline, la petite fille aux fleurs

Publié le 19/01/2023


Ancienne professeure, Jacqueline Geneyton, née Bonhotal, s’est souvenue qu’enfant, elle avait déposé des fleurs, chaque 1 novembre, sur la tombe de Tiémoko Koné, tirailleur sénégalais mort pour la France. © photo : Jean-François Vernet

Souvenirs Jacqueline Geneyton est née à Feurs en 1933. Enfant, elle allait fleurir une tombe « pas comme les autres », celle de Tiémoko Koné, tirailleur assassiné par les nazis dans le Forez lors de la Seconde Guerre mondiale. Des souvenirs bien enfouis, soudainement remontés à la surface à la suite d’une improbable rencontre…

La silhouette est légèrement courbée par le poids des années. La démarche, prudente, est encore bien assurée et le cerveau, musclé au fil des années par sa passion pour la lecture, tourne à plein régime. « J’ai même découvert les mots fléchés pendant le confinement », s’amuse Jacqueline Geneyton qui, en juin prochain, soufflera ses 90 bougies. « Forcément, quand on a connu la Seconde Guerre mondiale, il ne faut pas avoir 20 ans aujourd’hui. »

« Je m’étais dit que cet homme était mort pour nous, pour la France »

La répartie fuse, du tac au tac. De cette terrible époque, que seuls les plus anciens de nos aînés ont vécue, Jacqueline garde quelques souvenirs. Elle s’appelait alors Bonhotal et n’était qu’une enfant. Elle se souvient de son père, fait prisonnier à Clermont-Ferrand le 21 juin 1940, qui est resté deux années durant entre les mains des Allemands. « Il a tenu un journal de captivité. Il rédigeait tous les jours quelques mots au crayon sur un petit carnet », explique-t-elle avant de se lever et de le récupérer avec une extrême précaution, bien rangé dans un placard. « Les choses importantes, je sais où elles sont », sourit-elle. Dans ce livret, à l’intérieur duquel est glissé un courrier officiel envoyé en France par les Allemands, signifiant qu’Armand Bonhotal était « en bonne santé », on constate que certaines pages peinent à résister aux années. Les écrits restent, dit-on, mais ils peuvent se gommer. À côté du livret, figure un cahier, beaucoup plus contemporain, sur lequel Jacqueline a recopié mot pour mot le récit de son père. « C’est important pour moi qu’il reste une trace de cette période », insiste cette enseignante à la retraite, qui s’est plongée dès son plus jeune âge dans les livres d’Histoire.

De la Seconde Guerre mondiale, Jacqueline a un autre souvenir, qui a ressurgi voici quelques années, au détour de la projection d’un documentaire réalisé par des lycéens de Boën-sur-Lignon, consacré à cette sombre période de l’Histoire de France, au cinéma Rex de Montbrison. « Des amis m’ont proposé de venir avec eux car ils connaissaient ma passion pour l’Histoire. J’ai accepté. » Ce soir-là, il y avait dans la salle un certain Issa Koné, médecin à Marseille, invité par Rémi Poirieux, membre de l’équipe du cinéma. « Il a raconté que son père lui avait demandé de retrouver la trace de son oncle fusillé à Feurs en 1940. Il a parlé d’un certain “Tiémoko”. J’ai bondi de mon siège. Tout m’est revenu d’un seul coup. »

« Ils l’avaient renommé “Koué” »

Tiémoko Koné était un « tirailleur sénégalais », selon le terme employé à l’époque, bien qu’il fût originaire du Mali, qu’on appelait à l’époque le « Soudan français ». Sergent dans le 17e Régiment, il fut assassiné par les nazis à Feurs, sur les bords de la Loire. Jacqueline n’avait alors que 8 ou 9 ans lorsqu’elle aperçut sa tombe, la seule non fleurie du cimetière. « J’avais complètement oublié que j’étais allée fleurir la tombe de cet homme que je ne connaissais pas. Je n’en avais même jamais parlé à mes proches. J’avais simplement remarqué que cette tombe n’était pas comme les autres. Dessus, ce n’était pas une croix, mais un croissant qui était gravé. Je m’intéressais déjà à l’Histoire et à la politique et je me suis dit que cet homme était mort pour nous, pour la France. Alors je suis allée cueillir des fleurs dans le jardin de mon père et je les ai déposées. J’avais retenu son prénom. Je me souviens même qu’il y avait une erreur sur la tombe. Ils l’avaient renommé “Koué”. J’ai déposé un bouquet à chaque Toussaint pendant quelques années et un beau jour, la tombe n’était plus là. Je me suis dit que la famille avait fait le nécessaire pour récupérer le corps et qu’il était retourné dans son pays. » La dépouille du tirailleur sénégalais avait en fait été transférée à la nécropole nationale de la Doua, un cimetière militaire situé à Villeurbanne.

À l’issue du documentaire, Issa Koné et Jacqueline Geneyton sont tombés dans les bras l’un de l’autre. « L’émotion était immense, aussi bien pour lui que pour moi », se remémore-t-elle.

« Jacqueline Geneyton est le lien vivant avec mon oncle Tiémoko »

Pour le docteur Issa Koné, l’histoire était presque trop belle pour y croire. « J’ai cru que mon ami Rémi Poirieux avait payé cette dame pour raconter cette histoire qui collait tant à la réalité, jure-t-il. Mais elle a été très précise dans les détails, y compris sur l’erreur d’inscription de nom sur la tombe. Si on est croyant, ça ne peut être que la main de Dieu qui l’a emmenée là. Elle est le lien vivant avec mon oncle Tiémoko. »

Jacqueline Geneyton et Issa Koné se sont revus à l’occasion de la projection en avant-première du film Tirailleurs , avec Omar Sy en tête d’affiche, en présence du Souvenir français, qui milite pour que le nom de Tiémoko Koné soit inscrit sur le monument aux Morts de la commune de Feurs (lire ci-contre) .

Tous deux se sont rendus sur les bords de Loire, à l’endroit où l’oncle d’Issa a été assassiné. Ils sont également allés dans le nouveau cimetière, là où la tombe de Tiémoko fut un temps installée.

Des liens forts se sont tissés entre Jacqueline, « la petite fille aux fleurs » et Issa. « Quand on s’est séparés après la projection du film, il m’a dit que la prochaine fois qu’on se reverrait, ce serait chez lui, à Marseille », confie la retraitée forézienne. L’esprit de Tiémoko Koné, mort pour la France le 23 juin 1940 à Feurs, ne sera sans doute pas loin d’eux…

Jacqueline, la petite fille aux fleurs - Feurs (42110) (le-pays.fr)


Tiémoko « Koué », tué à « Fleurs »


Publié le 19/01/2023


 

petite histoire dans la grande Le sergent Tiémoko Koné a malencontreusement été renommé « Koué » sur l’acte de décès officiel et sur sa tombe. Le père d’Issa Koné affirmait qu’il avait été assassiné dans la Loire, dans une ville appelée « Fleurs ». C’est à Feurs (donc), qu’Issa et le Souvenir français aimeraient que soit mentionné le nom de Tiémoko Koné, sur le monument aux Morts. « “Le Mali et la France, c’est un destin”, disait André Malraux. Ce destin, il faut le nourrir. Il y a, dans le Forez, beaucoup de reconnaissance à l’égard des tirailleurs sénégalais. Ce serait bien si son nom pouvait être gravé », commente Issa Koné.

Tiémoko « Koué », tué à « Fleurs » (le-pays.fr)

 


Tirailleurs au Rex, plus qu’un simple film

Publié le 29/12/2022


avec Omar Sy. © Droits réservés

Le Rex organise une soirée très spéciale, vendredi 6 janvier à 20 h 30, à l’occasion de la sortie du film Tirailleurs , de Mathieu Vadepied, avec Omar Sy en tête d’affiche.

Le docteur en histoire Julien Fargettas, directeur du service départemental de la Loire à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et auteur du livre Les tirailleurs sénégalais sera présent dans le cadre d’un ciné-rencontre pour échanger avec le public sur le rôle des quelque 200.000 Africains volontaires venus se battre pour le drapeau français au cours de la Première Guerre mondiale.

Un autre invité sera présent lors de ce rendez-vous exceptionnel proposé par le cinéma montbrisonnais en la personne d’Issa Koné, médecin généraliste de profession à Marseille et neveu de tirailleur sénégalais. « J’ai rencontré cet homme lors d’un congrès à Toulouse, se remémore Rémi Poirieux, bénévole au Rex. Il me raconte qu’il connaît la Loire car son oncle a été tué par les nazis à “Fleur” (sic). Après des recherches auprès de la mairie de Feurs, je trouve l’avis de décès, le 23 juin 1940 de Tiémoko Koné, son oncle, “mort pour la France”. Je m’en vais visiter les cimetières autour de Feurs à la recherche de sa tombe, sans succès. En approfondissant mes recherches, je le retrouve à la nécropole nationale de la Doua, un cimetière militaire situé à Villeurbanne. » Les deux hommes se lient d’amitié après les recherches du Montbrisonnais. Issa Koné apportera son témoignage, lui dont le père s’était également engagé pour défendre la France en 1940.

Une Forézienne de 89 ans, qui était venue fleurir la tombe de Tiémoko Koné douze années durant, lorsque sa dépouille était au cimetière de Feurs, sera également présente lors de cette projection.

Au-delà du film, Rémi Poirieux se bat pour que le nom de Tiémoko Koné apparaisse sur le monument aux Morts de Feurs. « Il est mort pour la France. Marclopt a récemment réalisé une plaque en hommage à deux tirailleurs décédés. J’espère que la commune de Feurs saura elle aussi rendre hommage à M. Koné. »

Tirailleurs au Rex, plus qu’un simple film - Montbrison (42600) (le-pays.fr)

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