Jacqueline,
la petite fille aux fleurs
Publié le 19/01/2023
Souvenirs Jacqueline Geneyton est née à
Feurs en 1933. Enfant, elle allait fleurir une tombe « pas comme les
autres », celle de Tiémoko Koné, tirailleur assassiné par les nazis dans
le Forez lors de la Seconde Guerre mondiale. Des souvenirs bien enfouis,
soudainement remontés à la surface à la suite d’une improbable rencontre…
La silhouette est légèrement
courbée par le poids des années. La démarche, prudente, est encore bien assurée
et le cerveau, musclé au fil des années par sa passion pour la lecture, tourne
à plein régime. « J’ai même découvert les mots fléchés pendant le
confinement », s’amuse Jacqueline Geneyton qui, en juin prochain,
soufflera ses 90 bougies. « Forcément, quand on a connu la Seconde
Guerre mondiale, il ne faut pas avoir 20 ans aujourd’hui. »
« Je m’étais dit que cet homme était mort pour nous, pour
la France »
La répartie fuse, du tac au
tac. De cette terrible époque, que seuls les plus anciens de nos aînés ont
vécue, Jacqueline garde quelques souvenirs. Elle s’appelait alors Bonhotal et
n’était qu’une enfant. Elle se souvient de son père, fait prisonnier à
Clermont-Ferrand le 21 juin 1940, qui est resté deux années durant entre
les mains des Allemands. « Il a tenu un journal de captivité. Il rédigeait
tous les jours quelques mots au crayon sur un petit carnet »,
explique-t-elle avant de se lever et de le récupérer avec une extrême
précaution, bien rangé dans un placard. « Les choses importantes, je sais
où elles sont », sourit-elle. Dans ce livret, à l’intérieur duquel est
glissé un courrier officiel envoyé en France par les Allemands, signifiant
qu’Armand Bonhotal était « en bonne santé », on constate que
certaines pages peinent à résister aux années. Les écrits restent, dit-on, mais
ils peuvent se gommer. À côté du livret, figure un cahier, beaucoup plus
contemporain, sur lequel Jacqueline a recopié mot pour mot le récit de son
père. « C’est important pour moi qu’il reste une trace de cette
période », insiste cette enseignante à la retraite, qui s’est plongée dès
son plus jeune âge dans les livres d’Histoire.
De la Seconde Guerre
mondiale, Jacqueline a un autre souvenir, qui a ressurgi voici quelques années,
au détour de la projection d’un documentaire réalisé par des lycéens de
Boën-sur-Lignon, consacré à cette sombre période de l’Histoire de France, au
cinéma Rex de Montbrison. « Des amis m’ont proposé de venir avec eux car
ils connaissaient ma passion pour l’Histoire. J’ai accepté. » Ce soir-là,
il y avait dans la salle un certain Issa Koné, médecin à Marseille, invité par
Rémi Poirieux, membre de l’équipe du cinéma. « Il a raconté que son père
lui avait demandé de retrouver la trace de son oncle fusillé à Feurs en 1940.
Il a parlé d’un certain “Tiémoko”. J’ai bondi de mon siège. Tout m’est revenu
d’un seul coup. »
« Ils
l’avaient renommé “Koué” »
Tiémoko Koné était un « tirailleur sénégalais », selon
le terme employé à l’époque, bien qu’il fût originaire du Mali, qu’on appelait
à l’époque le « Soudan français ». Sergent dans le 17e Régiment,
il fut assassiné par les nazis à Feurs, sur les bords de la Loire. Jacqueline
n’avait alors que 8 ou 9 ans lorsqu’elle aperçut sa tombe, la seule non
fleurie du cimetière. « J’avais complètement oublié que j’étais allée
fleurir la tombe de cet homme que je ne connaissais pas. Je n’en avais même
jamais parlé à mes proches. J’avais simplement remarqué que cette tombe n’était
pas comme les autres. Dessus, ce n’était pas une croix, mais un croissant qui
était gravé. Je m’intéressais déjà à l’Histoire et à la politique et je me suis
dit que cet homme était mort pour nous, pour la France. Alors je suis allée
cueillir des fleurs dans le jardin de mon père et je les ai déposées. J’avais
retenu son prénom. Je me souviens même qu’il y avait une erreur sur la tombe.
Ils l’avaient renommé “Koué”. J’ai déposé un bouquet à chaque Toussaint pendant
quelques années et un beau jour, la tombe n’était plus là. Je me suis dit que
la famille avait fait le nécessaire pour récupérer le corps et qu’il était
retourné dans son pays. » La dépouille du tirailleur sénégalais avait en
fait été transférée à la nécropole nationale de la Doua, un cimetière militaire
situé à Villeurbanne.
À l’issue du documentaire,
Issa Koné et Jacqueline Geneyton sont tombés dans les bras l’un de l’autre.
« L’émotion était immense, aussi bien pour lui que pour moi », se
remémore-t-elle.
« Jacqueline Geneyton est le lien vivant avec mon oncle
Tiémoko »
Pour le docteur Issa Koné,
l’histoire était presque trop belle pour y croire. « J’ai cru que mon ami
Rémi Poirieux avait payé cette dame pour raconter cette histoire qui collait
tant à la réalité, jure-t-il. Mais elle a été très précise dans les détails, y
compris sur l’erreur d’inscription de nom sur la tombe. Si on est croyant, ça
ne peut être que la main de Dieu qui l’a emmenée là. Elle est le lien vivant
avec mon oncle Tiémoko. »
Jacqueline Geneyton et Issa
Koné se sont revus à l’occasion de la projection en avant-première du
film Tirailleurs , avec Omar Sy en tête d’affiche, en présence
du Souvenir français, qui milite pour que le nom de Tiémoko Koné soit inscrit
sur le monument aux Morts de la commune de Feurs (lire ci-contre) .
Tous deux se sont rendus sur
les bords de Loire, à l’endroit où l’oncle d’Issa a été assassiné. Ils sont
également allés dans le nouveau cimetière, là où la tombe de Tiémoko fut un
temps installée.
Des liens forts se sont
tissés entre Jacqueline, « la petite fille aux fleurs » et Issa.
« Quand on s’est séparés après la projection du film, il m’a dit que la
prochaine fois qu’on se reverrait, ce serait chez lui, à Marseille »,
confie la retraitée forézienne. L’esprit de Tiémoko Koné, mort pour la France
le 23 juin 1940 à Feurs, ne sera sans doute pas loin d’eux…
Jacqueline, la petite fille aux fleurs - Feurs (42110) (le-pays.fr)
Tiémoko « Koué », tué à « Fleurs »
Publié
le 19/01/2023
petite histoire dans la grande Le
sergent Tiémoko Koné a malencontreusement été renommé « Koué » sur
l’acte de décès officiel et sur sa tombe. Le père d’Issa Koné affirmait qu’il
avait été assassiné dans la Loire, dans une ville appelée « Fleurs ».
C’est à Feurs (donc), qu’Issa et le Souvenir français aimeraient que soit
mentionné le nom de Tiémoko Koné, sur le monument aux Morts. « “Le Mali et
la France, c’est un destin”, disait André Malraux. Ce destin, il faut le
nourrir. Il y a, dans le Forez, beaucoup de reconnaissance à l’égard des
tirailleurs sénégalais. Ce serait bien si son nom pouvait être gravé »,
commente Issa Koné.
Tiémoko
« Koué », tué à « Fleurs » (le-pays.fr)
Tirailleurs au Rex, plus qu’un simple film
Publié le 29/12/2022
avec Omar Sy. © Droits réservés
Le Rex organise une soirée très spéciale, vendredi 6 janvier à 20 h 30, à l’occasion de la sortie du film Tirailleurs , de Mathieu Vadepied, avec Omar Sy en tête d’affiche.
Le docteur en histoire Julien
Fargettas, directeur du service départemental de la Loire à l’Office national
des anciens combattants et victimes de guerre et auteur du livre Les
tirailleurs sénégalais sera présent dans le cadre d’un ciné-rencontre
pour échanger avec le public sur le rôle des quelque 200.000 Africains
volontaires venus se battre pour le drapeau français au cours de la Première
Guerre mondiale.
Un autre invité sera présent
lors de ce rendez-vous exceptionnel proposé par le cinéma montbrisonnais en la
personne d’Issa Koné, médecin généraliste de profession à Marseille et neveu de
tirailleur sénégalais. « J’ai rencontré cet homme lors d’un congrès à
Toulouse, se remémore Rémi Poirieux, bénévole au Rex. Il me raconte qu’il
connaît la Loire car son oncle a été tué par les nazis à “Fleur” (sic). Après
des recherches auprès de la mairie de Feurs, je trouve l’avis de décès, le
23 juin 1940 de Tiémoko Koné, son oncle, “mort pour la France”. Je m’en
vais visiter les cimetières autour de Feurs à la recherche de sa tombe, sans
succès. En approfondissant mes recherches, je le retrouve à la nécropole
nationale de la Doua, un cimetière militaire situé à Villeurbanne. » Les
deux hommes se lient d’amitié après les recherches du Montbrisonnais. Issa Koné
apportera son témoignage, lui dont le père s’était également engagé pour
défendre la France en 1940.
Une Forézienne de
89 ans, qui était venue fleurir la tombe de Tiémoko Koné douze années
durant, lorsque sa dépouille était au cimetière de Feurs, sera également
présente lors de cette projection.
Au-delà du film, Rémi
Poirieux se bat pour que le nom de Tiémoko Koné apparaisse sur le monument aux
Morts de Feurs. « Il est mort pour la France. Marclopt a récemment réalisé
une plaque en hommage à deux tirailleurs décédés. J’espère que la commune de
Feurs saura elle aussi rendre hommage à M. Koné. »
Tirailleurs au Rex, plus qu’un simple film - Montbrison (42600) (le-pays.fr)
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