Un roman, Diên
Biên Phù, de Marc Alexandre Oho Bambe.
Paris , Sabine Wespieser Éditeur, 2018.
Je
voudrais dans ce billet, présenter un roman, qui concerne l’histoire des
tirailleurs sénégalais. Intitulé Diên Biên Phù, cet ouvrage est paru en
2018, mais ce n’est que récemment que je l’ai découvert, au hasard des lectures
dans une médiathèque : en mai 2024,
il était placé en évidence, au moment de
l’anniversaire de la bataille de Diên Biên Phù qui marqua la défaite de l’armée
française dans la guerre d’Indochine. Son auteur est un poète, slameur et
écrivain franco-camerounais, Marc Alexandre Oho Bambe. Cet artiste se produit
sur scène sous le nom de Capitaine Alexandre, en hommage à René Char, poète et
résistant, dont le nom au maquis était capitaine Alexandre.
C’est
un très beau roman, au cœur duquel se trouvent l’amour, celui d’Alexandre et
Maï Lan, une jeune vietnamienne, et l’amitié qui lie Alexandre et un soldat
sénégalais, Alassane Diop.
Ce
livre doit figurer dans notre blog, parce qu’un de ses personnages est un
tirailleur sénégalais, engagé dans les combats de la guerre d’Indochine, guerre
coloniale pour conserver la souveraineté française sur cette région, contre les
combattants du Viêt Minh. Il est très rare que la participation des soldats
coloniaux africains et maghrébins soit
évoquée aujourd’hui. Or, à partir de 1947 leur nombre fut élevé. Certes
en 1945, comme l’écrit l’historien Anthony Guyon[1],
le général de Gaulle avait « choisi d’écarter les tirailleurs sénégalais [du
corps expéditionnaire envoyé en Indochine], en raison des troubles
entourant les unités africaines et parce qu’il craint de renforcer l’hostilité
des populations autochtones (….) mais, une fois de plus, le manque de soldats
érige les tirailleurs en un recours indispensable. »
Il
est significatif que ce soit une œuvre
littéraire qui aborde ce sujet, cette histoire complexe des guerres coloniales
menées par la France et où furent engagés les tirailleurs sénégalais.
La
figure de ce personnage, tirailleur sénégalais de l’armée française est une
figure positive, une belle personne pourrait-on dire. Alassane Diop, tel est
son nom, est l’ami du narrateur, Alexandre, un jeune soldat français. Le roman
est bâti sur le retour au Viêt Nam d’Alexandre, vingt après la défaite
française ; dans le texte, alternent le présent, le temps de ce retour, et
le passé au temps de la bataille de Diên Biên Phù.
Alassane
a sauvé la vie d’Alexandre lors des combats à Hanoï. « Je lui devais
la vie. (…) Nous étions égaux. Devant la souffrance et la mort[2]. » La rencontre et l’amitié avec Alassane est
cruciale pour Alexandre qui vingt après, dit : « Je dois à Diop
l’homme que je suis devenu[3] ».
Le tirailleur sénégalais écrit à son ami, après la fin de la guerre et après
son propre retour au Sénégal : « Alex, tu es mon frère, et notre
fraternité est une fraternité d’âmes, pas celle promise par la République qui
nous envoya dans cet enfer et qui massacra ici aussi, à Thiaroye, son honneur
et d’autres de nos frères[4]. »
L’honneur est une valeur essentielle pour Alassane, qui durant la guerre, ne
cessait de dire à son ami : « L’honneur, le sens de
l’honneur ! » Il s’attache à « essayer d’être un meilleur homme
chaque jour, pas par rapport aux autres, mais en mon âme et conscience[5] ».
Le personnage de cet Alassane Diop créé par l’auteur est le cousin du grand
intellectuel Alioune Diop, fondateur durant les années 1950 de la librairie
Présence Africaine à Paris. Il est engagé contre le colonialisme.
Un
livre à découvrir, pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore.
Françoise Croset, juin
2024.
Pour en savoir plus:
- https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/05/31/marc-alexandre-oho-bambe-un-premier-roman-ecrit-a-fleur-de-mots_5307561_3212.ht
- https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/la-quatre-saisons-n-est-pas-qu-une-pizza « Poète slameur et romancier, Marc Alexandre Oho Bambe dit Capitaine Alexandre sème des notes et des mots, de résistance et de paix, de mémoire et d’espoir. Il a publié huit livres : ADN (2009), Le Chant des possibles(2014), Résidents de la République (2016), Diên Biên Phù (2018), Ci-gît mon cœur (2018), Fragments (2019), Les lumières d’Oujda (2020), Nobles de cœur (2022). Membre fondateur du Collectif On A Slamé Sur La Lune, Capitaine Alexandre est également chroniqueur (Africultures, Mediapart, Le Nouveau Magazine Littéraire) et intervenant en milieu scolaire et universitaire où il propage auprès des jeunes le respect et le sens, l’essence de la vie curieuse de l’Autre et de l’existence libre, affranchie des dogmes et des extrêmes. Marc Alexandre Oho Bambe a été fait Chevalier de l’Ordre National du Mérite par décret présidentiel du 2 mai 2017 et Maître ès Jeux de l’Académie des Jeux Floraux le 3 mai 2022. »
- https://www.rfi.fr/fr/podcasts/20200905-marc-alexandre-oho-bambe-les-pas-fondament « L’homme est aussi slameur, membre fondateur du collectif « On a slamé sur la Lune ». Sur scène, il déclame ses propres textes sous son pseudonyme de « Capitaine Alexandre », nom emprunté au poète français René Char dont c’était le nom de guerre pendant l’Occupation. S’inscrivant résolument dans les pas de Césaire, de Char, mais aussi du Haïtien Frankétienne, ses « maîtres espérances » comme il aime les appeler, Oho Bambe s’est imposé sur la scène littéraire comme une voix originale, poétique, grave… une voix qui compte parmi la génération montante des lettres africaines francophones.
Lauréat du prix Paul Verlaine de l’Académie française 2015, l’auteur du Chant des possibles est aussi romancier. Après Diên Biên Phu, un premier roman bouleversant de lyrisme élégiaque sur la décolonisation paru en 2018 ».
[1]Anthony
Guyon, Les tirailleurs sénégalais- de l’indigène au soldat, de 1857 à nos
jours, éd. Perrin, 2022, p 281.
[2]P 31.
[3]P 192
[4]P
137-138.
[5]P 42.
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